Qu’est-ce qui vous a convaincue d’embarquer dans cette aventure ?
C’est simple, j’aimais beaucoup le ton d’Anne Depetrini, sa façon d’aborder le sujet. J’avais bien sûr en tête Mauvaise foi de Roschdy Zem. Mais le ton d’Anne permettait d’aller plus loin, de manière plus frontale, ce qui n’est pas politiquement correct. Parfois, ça me choquait même un petit peu, mais je me suis dit que c’était ça que j’avais envie de voir au cinéma. Car on a tendance à avoir un discours policé sur l’Islam. Anne et Ramzy ont vécu ça, c’est leur histoire.
Connaissiez-vous Anne Depetrini ou Ramzy avant de tourner avec eux ?
Je ne connaissais pas du tout Anne. C’était dur pour elle de choisir son actrice, car finalement, ce personnage, c’est elle. Il ne fallait surtout pas que je lui ressemble. Et que je puisse incarner la Française (de souche). Et je pense qu’il fallait que je plaise autant à Anne qu’à Ramzy, car il était assez timide au début, voire pudique. On ne lui avait jamais demandé de jouer un rôle comme ça.
Comment avez-vous préparé votre rôle ?
Déjà, c’est un peu mon premier « premier » rôle, un personnage que je pouvais construire du début à la fin, qui traverse plein d’émotions différentes. Pour ma part, j’ai besoin d’apprendre mon texte par cœur pour pouvoir m’en détacher. Ramzy est instinctif, il fallait que je puisse improviser, mais j’avais d’abord besoin d’un travail plus scolaire.
La comédie, au départ, c’était un peu votre violon d’Ingres ?
Oui, déjà au cours Florent, car je pense que la comédie permet de créer des personnages loin de vous, alors que dans le drame, il y a une sorte de naturalisme. Et depuis les Ch’tis, ça a accéléré tout ça. C’est sûr qu’un réalisateur comme Gaspar Noé aurait du mal à venir me chercher spontanément. Mais je n’ai pas envie de faire de la comédie pendant dix ans, comme je n’ai pas non plus envie de ne faire que du drame. J’ai envie de me balader.
Vous citez Gaspar Noé. Avec quels réalisateurs aimeriez-vous‑tourner ?
Noé, donc, mais aussi Emmanuelle Bercot, Xavier Beauvois. Jacques Audiard, mais la terre entière a envie de tourner avec Jacques Audiard !
Y a-t-il un acteur ou une actrice qui vous a marquée dans le film ?
Géraldine Nakache. J’adore son travail. Elle me fait penser à Bacri !
N’êtes-vous pas lassée qu’on vous parle tout le temps de Bienvenue chez les Ch’tis?
Non, on me connaît en gros depuis deux ans, et beaucoup grâce à ce film. J’ai fait un saut de puce énorme. C’est exceptionnel ce qu’on a vécu, je comprends que dans l’inconscient collectif, on m’identifie à la postière du film. Après, tout le débat qui a suivi, sur le fait qu’il méritait ou pas une récompense, je dirais pas plus qu’un autre bon film. Parfois, ce qui arrive avec un film est irrationnel. C’est la magie du cinéma.
Cela a‑t‑il boosté les propositions de scénarios ?
Je travaillais depuis quinze ans, c’était difficile. Au cours Florent, ma prof, Isabelle Nanty, nous avait dit : « Un acteur, c’est quinze ans d’attente ». Certains, comme Audrey Tautou, vont plus vite, ils rencontrent le rôle qui leur permet de gagner du temps. En ce moment, ça marche bien pour moi, mais peut-être que dans deux ans, ce ne sera plus le cas.
Redoutez‑vous les réactions de la presse ?
La presse, ça ne m’angoisse pas. La comédie est beaucoup snobée, mal interprétée. C’est un genre considéré comme assez vulgaire, il est rare qu’on en dise de bonnes choses. Il reste du jambon ? n’est pas une œuvre d’art, mais c’est une comédie qui, de par son sujet, a lieu d’être.
Y a‑t‑il un acteur ou une actrice que vous citeriez en modèle ?
Si je pouvais avoir le quart de la carrière de Nathalie Baye, j’adorerais. À la fois, elle se renouvelle et reste un personnage ordinaire, ce qui n’est pas du tout péjoratif. À travers ses rôles, elle parvient à faire oublier qu’elle est Nathalie Baye. Elle est extrêmement forte pour ça. Et il y a aussi Naomi Watts. L’image de l’actrice ne prend pas le dessus. Souvent, aux USA, il y a une obsession de la beauté, de la jeunesse, c’est beaucoup plus compliqué pour les comédiennes. C’est presque fasciste pour les femmes après 40 ans. Heureusement, on n’a pas ça en France, il n’y a pas ce fascisme de l’image.