La chambre des morts est arrivé presque par surprise dans vos projets…
Oui. J’étais en train d’écrire un autre scénario pour Charles Gassot, le futur producteur de La chambre des morts, lorsque ma belle-mère -qui lit beaucoup- m’a conseillé de jeter un œil à ce roman. Le lendemain, j’en ai parlé à Charles Gassot. Je lui ai raconté les dix premières minutes de ce qui est devenu le film aujourd’hui, et il a immédiatement appelé l’éditeur pour acquérir les droits d’adaptation cinématographique. Entre le moment où j’ai parlé du roman pour la première fois à Charles Gassot, et la réalisation du film, il s’est passé dix-huit mois. Ce qui est un délai excessivement court. Par exemple, j’ai mis un peu plus d'un mois à écrire le scénario.
C’est court !
Je sais, mais c’est lié au bouquin. Franck Thilliez est un jeune auteur qui a appris à écrire en voyant des films. Son style très cinématographique m’a grandement facilité la tâche au moment de la rédaction du scénario.
Auriez-vous écrit le même script si vous n’aviez pas été le réalisateur du film ?
Je pense. Je ne couche sur le papier que ce que je vois. Le processus est toujours le même. Je ne peux pas écrire une scène si je ne la vois pas dans ma tête. C’est impossible pour moi. En l’écrivant, je la mets déjà en scène, j’anticipe les déplacements, etc. J’ai une écriture très visuelle. En fait, pour moi, tourner un plan, c’est reproduire ce que j’ai déjà imaginé à l'écriture. J'avais juste une certaine pression en plus, parce que c’était mon premier long métrage en tant que réalisateur.
Quel regard portez-vous sur le film aujourd’hui ?
Je suis très fier du film. Je suis même fier de ses défauts. Et tous ceux qui y ont participé sont aussi très fiers de lui. C’est un film un peu atypique dans la production française. J’étais il y a moins d’un mois à Los Angeles, où La chambre des morts était sélectionné dans un festival du film français. Eh bien le long métrage a été incroyablement accueilli, avec un regard très différent. En France, le genre souffre d’un handicap. On ne lui trouve pas de légitimité. Cet a priori n’existe pas aux USA. Ils ne se sont pas posés la question du genre. Ils ont vu une histoire avec des références qu’ils connaissaient bien et ça leur a fait plaisir. C’est toute la différence avec l’accueil français.
Quel reproche vous semble le moins justifié ?
Copieur ! Je pars d’un principe très simple : à partir du moment où la personne qui critique mon travail est sincère, ce qu’il dit est vrai ! Moi, je peux apprécier la critique et dire que la personne se trompe, mais le propre de la critique est d’être sincère. Je pense aussi que lorsque l’on écrit un projet, on fait déjà sa propre critique. Dès le départ, je savais à quoi j’allais me heurter, ne serait-ce que la référence au Silence des agneaux. J’ai choisi de la montrer et de l’assumer. Je vais vous dire une chose… On ne peut plus, depuis Le silence des agneaux, raconter une histoire qui met en scène une jeune femme flic confrontée à un tueur et à un problème personnel qui se termine dans une cave. C’est mort. Quel que soit le contexte ou les personnages, on est obnubilé par Le silence des agneaux. De toute façon, ce qui m’a le plus touché, c’est que les acteurs l’ont aimé et que tous ceux qui l’ont fait sont fiers de lui.
Savez-vous pourquoi le long métrage n’a pas fonctionné en salles ?
Ce n’est pas le film qui n’a pas fonctionné, c’est le tirage de l’affiche qui était raté. Comme le titre d'ailleurs. On s’est creusé la tête pendant six mois pour trouver un autre titre. La chambre des morts était trop connoté film d’horreur, alors que ce n’en était pas un. À la vue des autres titres disponibles, on a finalement décidé de le garder, aussi parce que c’était celui du bouquin. Il a quand même été lu par 400 000 personnes ! Comme Mélanie Laurent venait d’avoir le César, on s’est dit que pendant la promotion, elle pourrait expliquer le titre. À ce moment-là, la promo Province a commencé et le film a cartonné. Les exploitants étaient ravis et le buzz montait. Mais au moment de la promo médias, les critiques ont été un peu tièdes. On était en septembre, Mélanie était très peu sollicitée. On n’y a pas vraiment fait attention, parce que les gens qui avaient vu le film étaient ravis. Et là, une autre tuile nous est tombée dessus. Une grève ! Le cinéma devenait secondaire dans les médias. En plus, quand le film est sorti le 14 novembre, la concurrence était rude. Et là, j'ai compris que c’est foutu pour l’exploitation salles. C’est peut-être naïf de notre part, mais on n’a jamais remis le film en cause. Comment remettre un film en cause, alors que les gens ne l’ont pas vu ? La difficulté du cinéma aujourd’hui, c’est de faire rentrer les gens dans la salle. Je peux vous dire que pour le prochain, on ne s’y reprendra pas de la même manière. Je ne laisserai rien passer.