le 08 mars 2024 - 14h57

Ferrari aujourd'hui sur Prime Video : critique

Pour Michael Mann, tout commence toujours par une vision et c’est en 1967, tandis qu’il sort du métro londonien, qu’il tombe nez à nez avec une Ferrari ‑modèle 275 GTB‑ et succombe instantanément au charme de ce bolide élégant et sauvage. C’est là que naît en lui l’idée de développer, un jour, un film sur Enzo Ferrari. En 1991, la parution du livre de Brock Yates Enzo Ferrari, The Man and the Machine, relance son désir et lui fournit le matériau historique et humain qu’il cherchait. Sydney Pollack sera son premier partenaire de production mais il faudra attendre 2022, la popularité nouvelle de la Formule 1 aux États‑Unis et sept films, pour que Michael Mann réalise enfin son Ferrari.

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© Lorenzo Sisti

Mélo old school

Ferrari est un mélodrame old school situé à Modène, en 1957, année cruciale au cours de laquelle convergent toutes les lignes de conflits qui traversent la vie du Commendatore, tant sur le plan conjugal, économique que sportif. Ce sera aussi l’ultime édition de La Mile Miglia, course automobile mythique à travers l’Italie qui s’achève, cette année‑là, par un drame humain aux abords du village de Guidizillo (dix morts, une centaine de blessés). D’un point de vue stylistique, Mann opte pour une forme de classicisme lyrique, signifiée dès le début du film par l’arrivée concomitante d’un pilote et d’une troupe d’opéra à Modène, et plus tard, par une grande séquence qui se déroule à l’Opéra lorsque, sur l’air de Parigi, o cara de Verdi, remontent à la surface des différents protagonistes des souvenirs enfouis.

 

Ferrari © Lorenzo Sisti

Ferrari © Lorenzo Sisti

 

Questions de style

Michael Mann n’avait pas tourné de films depuis huit ans. L’échec commercial et critique de Hacker (2015) l’avait contraint à reprendre des chemins buissonniers (la réalisation de l’épisode pilote de la série Tokyo Vice, l’écriture de Heat 2, son premier roman), comme il l’avait fait au mitan des années 1980 après le succès mitigé du Sixième sens. D’ailleurs, la forme très épurée de Ferrari, d’un classicisme déroutant pour certains, évoque celle du Dernier des Mohicans, son film du premier retour en 1992, et pourrait signifier, sinon un pas en arrière, en tout cas un désir de revenir à un style plus direct, plus lisible, en apparence moins audacieux que Hacker, Public Enemies et bien sûr Miami Vice.

Ferrari © Lorenzo Sisti

Ferrari © Lorenzo Sisti


L'histoire d'une contradiction existentielle

Mais on peut aussi faire une autre hypothèse : à 80 ans, Mann signe avec Ferrari son film le plus compact et d’une impressionnante netteté stylistique. S’il a gagné en précision ce qu’il a abandonné en expérimentation (même si, à l’occasion des séquences de courses, il réinvente en quelques plans la mise en scène du genre), c’est qu’il a choisi de recentrer son film sur ses personnages et plus précisément sur ce qui les empêche et les élève à la fois, soit cette contradiction existentielle qui hante ses films depuis toujours. « Comment ces oppositions se finissent‑elles dans la plupart de nos vies ?, a déclaré Mann. On s’assied dans un fauteuil, devant la télé, et on meurt sans que rien n’ait été résolu ».

NDLR : merci à Jean‑Baptiste Thoret, qui livre ici des extraits de l'article paru dans Positif, mars 2024.  

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