Aujourd’hui, chacun s’accorde à considérer Clint Eastwood comme l’une des personnalités phares du cinéma américain, mais peu nombreux étaient ceux qui, à la fin des années 60, auraient pu lui prédire un tel parcours. La silhouette sèche, le regard plissé, une nonchalance glaciale, le style Eastwood l’imposera des années durant comme l’archétype de l’acteur américain cynique et impavide, abonné aux répliques cinglantes et au magnum 357, avant d’acquérir à l’aune des années 90 le statut d’un auteur majeur et inspiré. Aujourd'hui âgé de 93 ans, il tourne encore à un rythme effrené avec plus de 80 films au compteur (La Mule en photo-ci-dessous, Cry Macho, Gran Torino pour les derniers).
Le style Eastwood
Lorsque Sergio Leone le découvre en 1964, Clint Eastwood traîne sa silhouette dans une série télévisée à succès, Rawhide. Très vite, le pape du western spaghetti décèle chez le jeune Clint un potentiel. Leone en fait rapidement l’une des ses égéries et lui offre successivement les rôles principaux de Pour une poignée de dollars, Et pour quelques dollars de plus, Le bon, la brute et le truand. Un cache poussière, un bout de cigare, le visage mal rasé cadré en cinémascope et un minimum de dialogues, le style Eastwood fait immédiatement mouche.
Retour au bercail
C’est donc d’abord en Europe que Eastwood assoit sa notoriété avant de rejoindre les terres de l’Oncle Sam où l’attend de pied ferme son futur mentor, Don Siegel. Réalisateur culte de séries B à succès (L’invasion des profanateurs de sépulture, Les révoltés de la cellule 11), Siegel lui propose d’incarner en 1971 dans Les proies un soldat blessé, qui, recueilli en plein cœur de la guerre de Sécession dans un pensionnat de jeunes filles, déchaînera les foudres castratrices de ses prétendantes.
Eastwood démontre alors sa capacité à jouer sur un autre registre, plus humain, plus fragile. La même année, toujours devant la caméra de Siegel, il accepte d’endosser la tenue d’un inspecteur rebelle doté de méthodes radicales et confronté aux crimes les plus crapuleux. Son nom, Harry Callahan, fera le tour du monde et s’imposera comme le symbole de l’Amérique paranoïaque des années 70, assoiffée de justice et d’autodéfense (saga des Inspecteur Harry, photo ci‑dessous).
Le changement, en douceur
Commence pour lui une décennie prolixe, où Eastwood enchaîne films sur films, revenant régulièrement au rôle de Callahan, mais tentant à chaque fois de rectifier l’image de justicier autoproclamé attachée au personnage. Si une partie de la critique voit en lui l’archétype de l’acteur héroïque hollywoodien, dépositaire de valeurs conservatrices, l’autre sait que le personnage a plus d’une corde à son arc. Au fil des années, l’homme qui trimbalait son poncho dans les westerns de Leone, allait s’affirmer comme un réalisateur hors‑pair.
Eastwood réalisateur
Parallèlement à sa carrière d’acteur, Clint Eastwood construit dès 1971 une œuvre filmique riche et d’une extraordinaire cohérence. Avec Play Misty for Me, Eastwood fait ses débuts derrière la caméra et dépeint avec cruauté et talent la dégénérescence d’une relation amoureuse entre un animateur radio et l’une de ses admiratrices.
Deux ans plus tard, il signe son premier western, L’homme des hautes plaines, où il incarne un justicier fantomatique venu faire respecter dans un petit village la justice divine. Dès lors, Eastwood, le réalisateur, ne cessera de creuser un même sillon marqué par un double héritage : le classicisme hollywoodien des Ford et autres Anthony Mann, et le sentiment tenace au début des années 80 d’arriver un peu tard, à l’heure où le western agonise lentement.
Bronco Billy, Pale Rider, Honkytonk Man ou encore Impitoyable (photo ci‑dessous) disent finalement la même chose : la perte de l’innocence (leçon tirée du maniérisme leonien), la fin du western et la question de la mythologie de l’Ouest.
18 janvier 2023 en ligne de mire
Dans la ligne de mire prend à bras le corps et de façon très efficace l'épisode traumatique de l'assassinat de JFK qui infuse depuis une grande partie du cinéma US (lire 26 secondes, l'Amérique éclaboussée de JB Thoret). Dans le film, l'agent spécial Frank Horrigan (Eastwood), qui n'avait pu autrefois éviter l'assassinat, se retrouve à nouveau confronté à la même situation en 1993. Entre le tueur et lui va s'engager un jeu morbide. À redécouvrir le 18 janvier prochain en 4K Ultra HD chez SPHE.