Yes Featuring Jon Anderson, Trevor Rabin, Rick Wakeman
Alors que l'on fêtait l'année dernière les 50 ans de la formation du légendaire groupe de rock progressif Yes, Eagle Vision éditait en Blu‑Ray le concert Live at the Apollo, captation londonienne datant de 2017. Mais que l'on ne s'y méprenne pas, ceci n'est pas un concert de Yes, mais bien de Yes featuring Jon Anderson, Trevor Rabin, Rick Wakeman. La différence n'est sans doute connue que des fans du groupe ayant réussi à suivre les évolutions confuses de son line up, mais les trois musiciens cités précédemment ont tous quitté le groupe Yes à des périodes différentes. Et ce n'est qu'en 2010 qu'ils décidèrent de se réunir (ils n'ont pas tous joués ensemble sur les mêmes disques !) pour faire revivre sur scène les morceaux les plus populaires de Yes, à leur façon.
Une formation alternative donc, mais dont la légitimité n'est pourtant pas à questionner. Au micro, on retrouve ainsi Jon Anderson, chanteur sur la quasi‑totalité des plus grands disques du groupe (depuis le premier disque éponyme de 1969 jusqu'à son départ en 2004) et dont la voix semble n'avoir été que peu touchée par le temps. À ses côtés, le guitariste Trevor Rabin, venant lui de la période 80's du groupe (ayant participé au très populaire 90125), mais tout à fait à l'aise quand il s'agit de s'attaquer au catalogue 70's du groupe. Enfin, caché sous sa cape et derrière une habituelle forteresse de synthétiseurs, on retrouve Rick Wakeman, lui aussi membre‑clé du groupe depuis Fragile en 1971 et ayant un grand rôle dans le son et la personnalité du groupe malgré des participations intermittentes au fil des années.
Accompagnés uniquement d'un bassiste et d'un batteur, le trio d'ex‑membres de Yes propose donc un beau set de près de deux heures de musique, revisitant de manière extensive et avec une certaine audace une grande partie de la discographie du groupe. Et si on retrouve dans la set‑list quelques morceaux très populaires mais assez médiocres datant des années 80 et 90 (tel le pénible Owner of a Lonely Heart, mais aussi le lourdingue Lift me up), le groupe ne se prive pas de s'attaquer à titres plus complexes datant de ses albums les plus mémorables : en dehors du classique Roundabout tiré de Fragile, on retrouve également la suite prog And You & I (de Close to the Edge) ou encore le très beau Perpetual Change en ouverture, remontant à The Yes Album en 1970.
Profitant de sa formation assez resserrée, le groupe surprend par son angle rock sur la plupart de ses interprétations, n'hésitant pas à ajouter un peu de mordant aux morceaux de leur ex‑formation et donnant à l'ensemble du concert une vraie énergie. Si on regrettera que certains synthétiseurs de Rick Wakeman soient purement et simplement hideux (quelle tristesse d'avoir autant de claviers sur scène et d'en tirer de telles bouillies ringardes, comme sur l'intro de Long Distance Runaround qui, dans sa version originale, offrait des jeux de guitares en cascade plutôt que ces « pouet‑pouet » de plastique), le tout permettra aux fans de Yes de redécouvrir avec pas mal de plaisir la carrière d'un groupe qui, malgré ses très nombreux écueils, a écrit à lui tout seul tout un chapitre de l'histoire du rock progressif.
En ajoutant à cela une réalisation simple mais efficace ainsi qu'une vraie qualité technique (malgré une tendance à vouloir coller à tort et à travers des applaudissements pendant les passages instrumentaux, même lorsque la caméra permet de constater que le public n'est pas spécialement en train de réagir, très sage et assis devant le groupe), difficile de reprocher quoique ce soit à ce concert, si tant est que l'on goûte au rock expansif de Yes.