par Laurence Mijoin
20 mars 2012 - 15h08

Winter's Bone

année
2010
Réalisateur
InterprètesJennifer Lawrence, John Hawkes, Lauren Sweetser, Garret Dillahunt, Sheryl Lee, Dale Dickey
éditeur
genre
notes
critique
7
10
A

Quelque part dans la forêt des Ozarks, État du Missouri. Ree, 17 ans, doit s’occuper de son frère et sa sœur, abandonnée des dieux ‑sa mère est très malade et son père, fabriquant de méthamphétamine, s’est volatilisé après sa sortie de prison‑. Pour couronner le tout, ce dernier a utilisé la bicoque familiale comme caution. S’il ne se présente pas au tribunal, la maisonnette et le terrain seront saisis. Ree n’a que très peu de temps pour le retrouver, mort ou vif, et ainsi sauver son toit et protéger les siens…

De plus en plus, il semblerait que les cinéastes indépendants américains s’intéressent à l’Amérique profonde et à ses laissés‑pour‑compte, de Frozen River de Courtney Hunt à Killing Fields de Ami Canaan Mann. Avec Winter’s Bone, adaptation du roman Un hiver de glace de Daniel Woodrell, la réalisatrice Debra Granik (dont c’est le deuxième long métrage, mais le premier à sortir en France) scrute avec force détails les recoins et les mystères d’un territoire oublié, où les lois et les mœurs en vigueur diffèrent radicalement du reste du pays. Un endroit où l’on chasse l’écureuil pour pallier une pauvreté chronique, où les autochtones, « hillbillies » malmenés par la vie, la brutalisent à leur tour, où s'enrôler dans l'armée représente un espoir de s’en sortir. Une sorte d’étude de cas résultant d’une longue préparation et de moult repérages, qui confère au film un réalisme dépourvu de jugement et de misérabilisme ‑même si le sort de ces pauvres hères n’a évidemment rien d’enviable‑.

Cadrant au plus près ses acteurs (professionnels et gens du cru) comme pour les étouffer, les couper un peu plus du monde extérieur et rendre les paysages moins majestueux qu’ils ne le sont, Debra Granik, qui se revendique notamment du cinéma des frères Dardenne, de Ken Loach et de Bruno Dumont, fait de ses personnages des êtres menaçants, comme autant d’ogres gravitant autour de Ree (formidable Jennifer Lawrence, nominée à l’Oscar pour sa performance), adolescente forcée de passer à l’âge adulte plus rapidement que prévu. Dans cette contrée reculée, versant sombre de l’Americana autrefois dépeinte par John Boorman dans Délivrance, la crise semble frapper encore plus durement qu’ailleurs, trafic et consommation de drogue venant s’ajouter aux autres fléaux endémiques.

Fruit de cette terre désolée et hostile, Ree va y mener un combat pour la survie, lutter coûte que coûte contre le sort en assumant de devenir « mère » avant l’heure. Subissant la violence abjecte des hommes et des femmes et leur loi du silence, et faisant face à la mort bien trop tôt, Ree est une singulière héroïne de récit initiatique, motivée par son courage, les responsabilités qui lui incombent et son amour pour les siens. Entre drame social et thriller noir au rythme lancinant, Winter’s Bone, grand prix du jury à Sundance, brosse un portrait sans fard de l’autre Amérique.

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dvd
cover
Tous publics
Prix : 14,99 €
disponibilité
06/07/2011
image
DVD-9, 96', zone 2
1.85
SD 576i (Mpeg2)
16/9 compatible 4/3
bande-son
Français Dolby Digital 5.1
Français Dolby Digital 2.0
Anglais Dolby Digital 5.1
Anglais Dolby Digital 2.0
sous-titres
Français
8
10
image
Qu'il s'agisse des scènes nocturnes ou des séquences en pleine lumière, cette copie DVD fait honneur au film ‑et à la qualité de prise de vues de la Red‑ avec une image d'une belle finesse de grain, au niveau de détail impressionnant, et jamais parasitée par la compression. La photo hivernale bénéficie de contrastes appuyés et de noirs toujours profonds.
7
10
son
Pour profiter de l'accent profondément Middle West des personnages du film, il faut évidemment opter pour la VO (même si les doubleurs ne s'en sortent pas trop mal, se gardant bien d'en faire des tonnes). La piste stéréo (équivalente en VF et VO) propose un ensemble très satisfaisant, d'autant que le film, intimiste, ne se prête pas aux démonstrations sonores. Toutefois, on perd en enclenchant la stéréo quelques subtilités, notamment les bruits d'ambiance comme le grondement sourd du tonnerre, réparti sur les canaux arrière en 5.1. Mais globalement, la spatialisation reste discrète, Winter's Bone étant avant tout une expérience faite de longs silences.
7
10
bonus
- Commentaires audio de la réalisatrice Debra Granik et du directeur photo Michael McDonough
- Making of (47')
- Quatre scènes coupées (10')
- Clip de Hardscrabble Elegy de Dickon Hinchliffe (3')
- Ouverture alternative (1')
C'est une interactivité assez complète qui nous est proposée ici. Pour le plaisir des yeux (et des oreilles), le clip de Hardscrabble Elegy de Dickon Hinchliffe, et une ouverture alternative. Pour en apprendre plus sur la conception du film, un copieux making of de 47', qui dévoile d'intéressantes images du tournage, des répétitions et des auditions, montre l'importance de l'implication des habitants du coin. Ces derniers ont en effet prêté leurs maisons, leurs terrains et donné des conseils précieux à l'équipe du film pour rendre l'ensemble plus vrai que nature, qu'il s'agisse de la manière de s'exprimer, de l'accent du Missouri, des vêtements qu'ils portent ou de leur mode de vie. Sans leur soutien, le film n'aurait pas pu atteindre un tel degré de réalisme. Ainsi, acteurs, professionnels ou non, ont pu travailler en harmonie, parfaitement dirigés par Debra Granik. Le commentaire audio de la réalisatrice, accompagnée de son directeur photo Michael McDonough, est un parfait complément au making of. On y découvre que la majorité des comédiens sont des amateurs du cru ou des débutants, comme la petite sœur de Ree (Ashlee Thompson), qui vit réellement dans la maison du film (le chien que l'on voit lui appartient). Le directeur photo explique que le travail de reconstitution des décors et le choix des habits ont été réalisés en étroite collaboration avec les habitants. Autre aspect abordé, celui des techniques de prise de vues. Le film a été tourné en 24 jours avec la caméra Red, plébiscitée par des réalisateurs comme David Fincher et Steven Soderbergh, ce qui a simplifié le tournage (caméra discrète, bon marché, d'excellente qualité). On découvre également le tournage d'une scène‑clé en nuit américaine.
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