White Material
C’est sans doute son enfance passée au Cameroun qui explique, pour partie, la tournure qu’a pris la carrière de Claire Denis, comme la place singulière qu’elle occupe depuis vingt‑cinq ans dans le cinéma français. Depuis Chocolat, son premier film, Denis n’a cessé d’ausculter les origines et les conséquences du passé colonial de la France, du lien puis de la barrière qui s’est érigée entre Blancs et Noirs.
Dans White Material, Claire Denis effectue un impressionnant retour aux sources de son cinéma. Écrit avec la romancière Marie N’Diaye, le film cale son pas sur Maria Vial, une femme adulte (Isabelle Huppert, parfaite) qui, un jour, héberge le chef blessé d’une rébellion (Isaach de Bankolé) qui secoue un pays indéterminé d’Afrique. En pleine guerre civile, Maria refuse pourtant d’abandonner sa plantation de café avant la fin de la récolte, en dépit des menaces qui pèsent sur sa vie et les siens.
Denis enregistre ici les derniers soubresauts d’une domination blanche, ses ultimes spasmes, inspirés de l’expatriation des Français de Côte d’Ivoire. Maria Vial, symbole d’une communauté de Blancs qui pensent avoir implanté le paradis dans les colonies, incarne à merveille cet aveuglement sincère qui conduira aux déroutes que l’on sait. Filmé de façon sèche et lyrique à la fois, White Material témoigne de la capacité de sa réalisatrice (auteur, souvenons‑nous, de la fable vampirique Trouble Every Day) à aller jusqu’au bout de son sujet, la cruauté comprise.