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Après Les herbes folles, grâce auxquelles il avait renoué avec le succès, le nonagénaire Alain Resnais continue ses expérimentations : le réalisateur de L’amour à mort, de L’année dernière à Marienbad, de On connaît la chanson et autre Smoking/No Smoking, joue cette fois avec le principe de la mise en abyme : l’idée stimulante du film ‑mais qui pourra en rebuter plus d’un‑ tient sur le fait de faire jouer à une bande d’acteurs habitués de l’univers du cinéaste (Arditi, Azéma, Wilson, Amalric, etc.) deux textes de Jean Anouilh.
Treize acteurs apprennent ainsi la mort du metteur en scène Antoine d’Anthac (Denis Podalydes), lequel leur donne rendez‑vous chez lui, pour ce qui s’annonce comme une veillée funèbre. Arrivés sur les lieux, les acteurs doivent assister à la captation vidéo d’une représentation d’Eurydice, une pièce qu’Anthac a semble‑t‑il écrite, et que l’on voit rejouée par de jeunes comédiens (la compagnie de la Colombe), dans un hangar désaffecté. Or, tous les acteurs présents partagent comme point commun d’avoir un jour joué cette pièce, ce qui transforme peu à peu la projection en un gigantesque jeu d’échos et d’effets miroir, où chacun corrige et refait la pièce qui se joue devant lui.
Ici, pas vraiment d’émotion mais un jeu cérébral comme les affectionne Resnais, auquel on est libre d’adhérer, ou pas.