Voleuses
Deux voleuses de génie (c’est le synopsis qui le dit) et meilleures amies depuis toujours (Adèle Exarchopoulos et Mélanie Laurent) vivent sous la coupe de Marraine (Isabelle Adjani). Avec l’aide de Sam (Manon Bresch), une championne du pilotage, elles vont devoir se lancer dans une ultime aventure pour s'affranchir de cette vie de cavale.
Le nouveau film de Mélanie Laurent, Voleuses, est une libre adaptation de la BD La grande Odalisque de Florent Ruppert, Jérôme Mulot et Bastien Vivès, qui rappelle le dessin animée Signé Cat’s Eyes où trois héroïnes badass volaient et flirtaient avec talent.
À l’écran, ce qu’on annonçait depuis plus d’un an comme une comédie d’action pop et acidulée, sorte de Mission impossible au féminin ou de Drôles de dames français, ressemble davantage à une vaste escroquerie cinématographique de laquelle émane un cynisme malaisant.
Pas crédible, Voleuses pose problème dès le départ
Énorme premier problème du film : son manque de crédibilité. Et ça commence dès la scène d’ouverture où Mélanie Laurent, au bord de l’apoplexie, trottine en haut d’une montagne pour échapper à des tueurs tout en râlant dans l’oreillette de son amie qui, au lieu de la couvrir avec son fusil sniper, clope et textote avec son mec. L’heure est grave : le mec est en train de la larguer. Que doit‑elle faire ? De cette prétendue situation comique et décalée, la réalisatrice ne fait rien, comme de tout le reste du film d’ailleurs.
Écrit et filmé avec une désinvolture affligeante, censé réunir action et comédie dans un même cadre, Voleuses ne s’illustre dans aucun des deux genres. Une poursuite en quad molle et décousue, un vol de wingsurf pendant lequel les deux héroïnes se chamaillent sur la nature de la meilleure sauce pour accompagner un kebab, l’exécution du coup du siècle aussi lénifiante qu’une file d’attente à Pôle Emploi un jour de pluie… rien ne va, ni dans le découpage, ni dans le montage, ni dans le ton, ni dans la réalisation : tout cela a beau être filmé dans de beaux décors avec une lumière rasante et des lense flare à gogo (reflets esthétisants volontaires), Voleuses est d’une navrante platitude, voire fait de la peine.
Un cas d'école de faux féminisme
À tout cela vient s’ajouter une revendication bien légitime mais contreproductive dans son traitement beaucoup trop premier degré. Affiché par sa réalisatrice comme un film sur la liberté des femmes et la puissance de l'amitié (la seule parcelle de crédibilité du film), Voleuses dit en réalité tout l'inverse, enchaîne les clichés inversant systèmatiquement et assez bêtement les situations hommes‑femmes. Féministe quand Sam se désappe devant tout le monde pour marquer son mécontentement ? Bof. Féministes trois filles qui bullent autour d'un piscine sappées comme des influenceuses ? Double bof. Simoine de Beauvoir n'a pas vu ça. Ouf.
Les dialogues, qui se voulaient modernes, sont soit plats, soit vulgaires, soit mal recyclés d’autres films (la scène de l’œuf et de la grenade directement piquée à Demain ne meurt jamais). Ils soutiennent surtout une succession de scènes incohérentes (scénario si faible qu'il en perd les spectateurs) sur les femmes. Si un homme avait réalisé ce même film, il aurait été, sine die, cloué au pilori du sexisme et de la misogynie.
Tout y passe. Les montées d’hormones de la femme enceinte, la ménopause pas assumée, les coups de fringale, la soirée pyjama tartouille qui dérape en karaoké, toutes les scènes où le trio glousse au ralenti sans qu’on comprenne véritablement pourquoi. Sans compter les scènes racoleuses improbables comme celle où l'une d'elles caresse de manière suggestive un fusil sniper devant un ahuri sidéré, en lâchant un langoureux : « J’adore les balles pénétrantes, très pénétrantes ». Ou encore le plan à trois qui fait tâche tellement il est mal ammené, et pour de mauvaises raisons.
Un braquage cinématographique
Quid du personnage de Sam, recruté pour ses talents de pilote avant d'être relégué au rang de chauffeur Uber ? C’est bien simple, si on l’enlève du film sans rien toucher d’autre, tout se déroulerait exactement de la même manière. Son utilité dans le déroulé du récit est nulle, sa présence purement figurative. Vachement féministe.
Au cas où il subsisterait un doute sur la connotation misandre du film, absolument tous les hommes de Voleuses sont soit de complets ravagés du bulbe au QI à 1 chiffre, ou de gentils crétins neurasthéniques. Par pure charité, on passera rapidement sur la fin ultra‑prévisible et d’un vide scénaristique dénué de sens, de logique et d’intérêt…
Au final, Voleuses est un braquage artistique et cinématographique complet réalisé par une actrice et réalisatrice par ailleurs talentueuse, mais dont la désinvolture ici sidère longtemps après le générique de fin passé. Il n’y a pas si longtemps, Netflix a licencié 150 exécutives avec, parmi eux, la personne qui avait optionné la série Le jeu de la dame. Ceci explique peut‑être cela. Même si, à la fin, tout le monde devrait se croiser à la compta et toucher un gros chèque, l'une pour avoir fait une œuvre géniale et audacieuse, l'autre exactement l'inverse.