Virgin Suicides
États-Unis, années 70. Cecilia, benjamine des cinq filles Lisbon, vient d’attenter à sa vie. Pour lui remonter le moral, ses parents organisent une fête à laquelle sont conviés des garçons du quartier. Tous depuis toujours fascinés la beauté renversante des sœurs Lisbon. Durant la soirée, Cecilia se jette par la fenêtre et se tue. Dès lors, les jeunes filles vont vivre étouffées par leurs parents surprotecteurs, jusqu’à la tragédie…
Un film très personnel pour Sofia Coppola
Première réalisation, première réussite. Virgin Suicides est le premier long métrage de Sofia Coppola, la fille du réalisateur du Parrain (entre autres), sorti en 1999. C’est l’adaptation du premier roman de Jeffrey Eugenides (prix Pulitzer en 2003), sorti six ans plus tôt. Longtemps après la sortie du film, la réalisatrice avoua que la mort tragique de son frère Gio fut l’une des raisons qui l’avaient poussée à le réaliser.
Sans être autobiographique, Virgin Suicides est sans doute l’un des plus personnels de son auteur, en raison notamment de sa proximité avec les personnages. Mais ce qui reste 25 ans après sa sortie, c’est l’acuité du regard de la réalisatrice, qui parvient à rendre palpable la mélancolie propre à l’adolescence, ce moment où le désir pour l’autre naît, ce moment où l’on se cherche et où l’on devient (ou essaie de devenir) qui on est.
Les images sublimes du directeur de la photographie Edward Lachman
Ce qui frappe de prime abord avec Virgin Suicides, c’est sa maîtrise de bout en bout. Si la petite histoire veut que le tournage du film fût bouclé en un petit mois, l’histoire retiendra non seulement sa BO exceptionnelle (signée par le groupe français Air), son casting impeccable d’où surnagent Kirsten Dunst et James Woods, et surtout les images sublimes du directeur de la photographie, Edward Lachman. Une photographie inspirée par Pique-nique à Hanging Rock de Peter Weir qui, aujourd’hui encore, est largement pompée au cinéma. Son rythme aussi, lancinant et flottant, lui confère un charme particulier.
Fatales femmes
La grande force du film est d’opter, pour entrer dans le film, le point de vue des garçons, complètement fascinés par ces jeunes filles, encore des années après le drame suggéré par le titre du film. Il en ressort un sentiment trouble et troublant à plus d’un titre. Peu à peu, ils sont confrontés à l’ambivalence entre les filles qui les fascinent et les femmes attirantes qu’elles deviennent. Elles‑mêmes confrontées au sexisme et aux injonctions de la société qui imposent un féminisme ultra‑codé.
Même si l’histoire se déroule dans les années 70, le film de Sofia Coppola est intemporel, il nous parle du passage à l’âge adulte et de tout ce que cela suppose pour des jeunes filles dans une société de plus en plus sexualisée. Il est clair que c'est encore d'actualité. Certainement encore plus de nos jours.
Virgin Suicides pose frontalement la question du patriarcat et décrit avec justesse ce moment où les jeunes filles en prennent pleinement conscience. La réalisatrice joue avec les codes cinématographiques esthétisants de la représentation des « lolitas » pour nous faire entrevoir que derrière cette façade se cache parfois aussi un mal‑être. Sans doute parfois malheureusement dû aussi à un mâle‑être…