par Carina Ramon
03 mai 2019 - 19h33

Vernon Subutex

année
2019
Créateur
InterprètesRomain Duris, Céline Sallette, Flora Fischbach, Philippe Rebbot, Florence Thomassin, Laurent Lucas
éditeur
genre
notes
critique
7
10
A

Comment adapter la trilogie punk de Virginie Despentes, rassembler les points de vue d'une bande de antihéros malmenés par la vie qui n'ont plus grand‑chose à voir avec leurs idéaux de jeunesse, retranscrire dans une série grand public l'ambiance glauque et sulfureuse de certains passages des trois romans qui, par ailleurs, ont chacun leur propre style, leur propre vie ?

 

C'est à cet immense défi que s'est attelé Cathy Verney (la série Hard de Canal+). Après deux ans d’écriture solo, le scénariste Benjamin Dupas (Kaboul Kitchen, Dix pour cent) la rejoint pour deux années supplémentaires. Ce qui, si on compte bien, nous fait quatre longues années d'étude de texte pour 9 épisodes de 37 minutes. Soit la série est trop courte (et on le pense vraiment), soit Cathy Verney a gagné en clarté et simplification du récit ce qu'elle a perdu en intensité et en liberté (on le pense aussi). On ne lui ne veut pas pour autant car sa vision de la trilogie de Despentes se tient et se défend. Elle a même fière allure.

 

Tout commence quand Vernon Subutex, ex‑disquaire star des années 80 à la boutique légendaire, se retrouve à la rue. Avec son iPod, ses clopes et son sac, Subutex va se rappeler au bon souvenir de toute son ancienne bande (et de ses anciennes conquêtes) pour grappiller ici ou là des nuits au chaud. Il recroise Alex Bleach, un chanteur écorché devenu star qui va lui léguer un étrange testament vidéo, tandis qu'à l'autre bout de Paris, Dopalet, un producteur aux dents longues, fait pour d'obscures raisons appel à une tueuse de réputation qui se fait appeler « la Hyène »…

 

Première grande réussite de la série, son casting, à commencer par Romain Duris. Qui mieux que lui pour incarner les désillutions d'une époque (remember son premier film Le péril jeune) ? Habité, intense, captivant, il brûle la pellicule, à la fois dans sa lente déchéance (il finira par faire la manche dans la rue) que dans son réveil quasi christique, thème new age que Cathy Verney se garde bien d'aborder frontalement (quand elle commence à écrire, le deuxième roman n'est pas encore sorti). Pas de « convergences » à l'image donc, pas d'utopie collective portée par le son de Subutex aux platines faisant danser des hordes d'adeptes en transe. Une bonne partie de la substantifique moelle des romans de Despentes n'apparaît pas dans la série qui, tout à coup, nous semble immédiatement sage et formatée malgré quelques tentatives plutôt réussies (et drôles) de scènes à réserver à un public averti. 

 

Les autres comédiens ne sont pas en reste : Céline Sallette restera à tout jamais l'image de la Hyène, Flora Fischbach celle de l'ingénue pas si innocente que cela (son histoire avec la Hyène est davantage développée que dans les romans, et c'est une réussite), Philippe Rebbot celui du scénariste raté qui a sauvé les meubles en épousant une petite‑bourgeoise, Florence Thomassin l'ex délurée cyclothymique, Laurent Lucas le producteur grande gueule prêt à tout. Un des écarts de la série par rapport aux romans le concerne d'ailleurs directement, un passage écarté pour son glauque abyssal. 

 

Et c'est le grand hic de la série, sacrifiant sur l'autel des ressorts fictionnels l'atmosphère et l'énergie noires des romans. Son outrance aussi. Trop douce et trop rapide en besogne, Vernon Subutex la série manque encore d'ampleur et de vibrations cosmiques. Et si Canal+ enclenchait la deuxième, histoire de voir ce que Cathy Verney a réellement dans le ventre ? 

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blu-ray
cover
Tous publics
Prix : 24,99 €
disponibilité
24/04/2019
image
2 BD-50, 9 x 37', zone B
1.85
HD 1 080p (AVC)
16/9
bande-son
Français DTS-HD Master Audio 5.1
sous-titres
Français pour sourds et malentendants
7
10
image

Nette et précise en Blu‑Ray (filmée en 3,2 K si l'on en croit les indications des combos aperçus dans les coulisses du tournage), l'image de Vernon Subutex est essentiellement urbaine, un peu blanche mais non dénuée de style avec des choix d'optiques judicieux et/ou certains décors bien vus (l'antre de la Hyène et sa salle de bains bleue). Une image peut‑être un peu trop sage, pas assez assumée ou tranchée, qui aurait sans doute évolué avec une deuxième saison reposant sur la fin du tome 2 et le tome 3 (les fameuses « convergences »)…

7
10
son

Poni Hoax, Cigarettes After Sex, Vitalic, Sonic Youth, Ramones, The Raveonettes, New Order… La série est bien entendu portée par son score punk, rock, indé et électro strictement tiré de la trilogie de Despentes. La production a opéré un vrai travail d'enquête pour retrouver les ayants droit de certaines pépites ayant transité de label en label, tandis que des gros titres des romans manquent encore à l'appel, sans doute pour des problèmes de coût.

 

Une bande‑son rock qui fait partie intégrante de la série tout en manquant parfois d'envergure dans son intégration. Les scènes purement atmosphériques ne sont pas si nombreuses que cela et on se lamente de ne pas rebondir au montage sur tel ou tel titre pour plus d'emphase (notamment le titre de Kim Wilde Cambodia qui démarre sur la fête du loft et s'étiole le plan d'après sur la première scène explicite entre la Hyène et Anaïs dans le train. On attend que le titre revienne plus fort pour soutenir cette première étreinte, en vain. La série semble étrangement retenir les watts et c'est dommage.  

7
10
bonus
- Coulisses (54')

Un très bon complément de la série qui brosse tous ses grands thèmes à travers les témoignages de toute l'équipe. Outre les personnages, les aspects techniques et artistiques ne sont pas oubliés, notamment le stylisme (excellent, il participe à la crédibilité de la série), la photographie et le travail sur la lumière, ou encore la musique et le choix de la réalisatrice de n'intégrer que des titres musicaux tirés des livres (aucune musique originale). Même s'il en manque certains et non des moindres (Depeche Mode), la bande‑son de Vernon Subutex est un personnage à part entière que l'on aurait parfois aimé voir utilisé autrement, plus puissamment et en support actif du montage. On découvre également comment le fameux « son binaural d'Alex Bleach » a été conçu. Une énorme travail de création en amont qui se voit à l'écran.

 

À noter, la méthode de filmage en temps réel laissant évoluer l'équipe de tournage et les caméras au milieu des acteurs (un concept utilisé par Peter Berg mais poussé encore plus loin dans sa mémorable série Friday Night Lights).  

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