Vengeance
Francis Costello, un ancien tueur à gages devenu patron d'un restaurant (Johnny Hallyday), débarque à Macau afin de venger la mort de sa fille. Là, il embauche trois « hitmen » hyper-classes (dont Anthony Wong, génial) qui vont l’aider dans sa quête.
Mais Johnnie To sait trop combien le revenge movie est un genre miné, moralement douteux, pas assez ludique, et introduit au mitan du film une idée toute simple qui fait bifurquer son récit de la banale loi du Talion à une action surdéterminée (tuer un homme) en quête de motifs. Que signifie se venger lorsque l’on a oublié pourquoi ?
Sans atteindre le niveau d'Exilé ou du diptyque Election, Vengeance prouve une fois de plus l’élégance du cinéma de Johnnie To, sa capacité à atteindre l’air de rien l’os existentiel d’une histoire de gangsters comme on a vu des centaines, à renouveler les séquences canoniques du genre à partir d’un détail : dans un sous-bois, un gunfight rythmé par l’éclairage de la lune, des étiquettes autocollantes qui désignent l’ennemi, des polaroïds pour palier une mémoire qui flanche, etc. De ce point de vue, To frôle le sommet de son art et son Vengeance éblouit.
Rappelons aussi qu’Alain Delon aurait dû interpréter Francis Costello, quarante ans après le personnage homonyme du Samourai de Melville, l’un des cinéastes de chevet de Johnnie To. Chapeau mou, imper Burberry, mutisme glaçant, tout est là sauf le corps de l’acteur. Johnnie To a tenté de convaincre Delon, lequel s’est rétracté -l’amnésie progressive du personnage ayant, semble-t-il, été la cause principale de son désistement-. Delon atteint d’Alzheimer ? Pas question.
To s’est donc rabattu sur notre rocker national. Johnny a beau faire la gueule, singer les postures des héros fatigués du film noir, rien ne passe. Monolithe noir mais sans mystère. Au fond, Johnny n’a du charme, de la présence, que lorsqu’il sourit. Le reste du temps, il n’est que la version articulée de sa marionnette, incapable d’aimanter le moindre plan. Johnnie To semble d’ailleurs l’avoir compris. Mais trop tard. C’est le dernier plan du film : Costello à sa place, enfin, comme un enfant vieillard, attablé aux côtés d’une bande de gamins candides et rigolards.