par Jean-Baptiste Thoret
13 mars 2009 - 12h10

Valse avec Bachir

VO
Waltz with Bashir
année
2008
Réalisateur
InterprètesAri Folman, Ori Sivan, Ronny Dayag (voix off)
éditeur
genre
notes
critique
7
10
A

Les 16 et 17 septembre 1982, des phalangistes chrétiens pénètrent dans Beyrouth Ouest et, aidés de leurs alliés israéliens parmi lesquels le jeune réserviste Ari Folman, massacrent des milliers de Palestiniens dans les camps de Sabra et Shatila. Raid sanglant censé venger leur idole, Bachir Gemayel, leader des Kataïeb élu président du Liban le 23 août de la même année, et assassiné trois jours plus tôt.

Voilà pour le rappel historique des faits dont le film fait l’économie, sans doute par peur d’un pédagogisme convenu mais sûrement à tort, si l’on reconnaît que la chronologie des événements appartient pour beaucoup au flou de l’Histoire, et si l’on se souvient comment, dans Persépolis, Satrapi et Paronnaud avaient su tirer parti du regard candide (vierge ?) de la jeune Marjane, dans la réécriture de l’Histoire récente de la société iranienne.

Des décennies ont passé et, pour Ari Folman (ou plutôt le personnage du cinéaste qui lui tient lieu d’alter ego), le souvenir du massacre a disparu. Black-out intégral qu’un psychanalyste nous expliquera fort bien (syndrome du déni, forclusion d’un épisode traumatique, etc.), point aveugle d’une longue histoire à revisiter (la guerre du Liban, le conflit israélo-palestinien et plus loin, la Shoah), et tâche noire que ce vrai documentaire autobiographique travesti en film d’animation (plastiquement sublime) va peu à peu éclairer.

Comme le lieutenant Willard d’Apocalypse Now, référence constante du film, Folman décide de combler le manque et de retourner à la source de l’horreur. Chez Coppola/Conrad et Folman, le récit emprunte la forme d’un voyage mental et spatial vers l’origine d’une Histoire (Sabra et Shatila pour l’un, Kurtz-Brando pour l’autre), si ce n’est que Valse avec Bachir, de façon un peu systématique et souvent exagérément bavarde, progresse au rythme d’une succession de témoignages imposant une structure en flash-back : Folman part à la rencontre des témoins de Sabra et Shatila -frères d’armes, journalistes- et reconstitue à la manière d’un puzzle le souvenir d’un massacre, dont l’incarnation en images constitue l’un des enjeux principaux du film. Verrons-nous finalement le massacre ? Comment résistera-t-il à la « déréalisation » propre à l’animation ? Peut-on imaginer une version animée du Shoah de Lanzman ou plutôt une recréation fictionnelle de cette horreur que seul le verbe semblait pouvoir restituer ?

Question d’éthique donc, et d’esthétique, que Folman règle in fine d’un trait d’union entre deux régimes d’images que la doxa critique a toujours disjoint : posté à l’entrée du camp, Folman regarde des files de rescapés en pleurs s’avancer vers lui. Contrechamp : ces mêmes victimes, mais en chair et en os. Le film vient de basculer et s’achève dans les images d’archives. Trait d’union qui dit non seulement la parfaite compatibilité des deux, leur raccord naturel (les unes sont les fantômes permanent des autres), mais surtout, rappelle combien la fiction (ici radicale : l’animation) constitue, plus que le deuxième souffle du réel, une voie d’accès possible et parfois royale à sa vérité.

Car, et c’est peut-être le plus beau de cette valse, Folman tient sans cesse à distance la question du réalisme et insiste (comme chez Coppola) sur la dimension profondément hallucinatoire (formidable séquence d’ouverture avec cette meute de chiens aux yeux injectés de sang détalant dans les rues de Beyrouth ; tous ces moments coppoliens de shows guerriers), cauchemardesque et spectaculaire de l’expérience de la guerre -même ceux qui participent ont le sentiment de ne pas y être-. Au fond, comme l’explique très bien l’un des personnages du film, la seule façon de supporter l’insupportable et l’absurde, consiste à en produire immédiatement la fiction. Pourquoi pas l’animation ?

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Waltz with Bashir
Tous publics
Prix : 30 €
disponibilité
04/03/2009
image
BD-50, 90', toutes zones
1.77
HD 1 080p (VC-1)
16/9 natif
bande-son
Français DTS-HD Master Audio 5.1
Hébreu DTS-HD Master Audio 5.1
sous-titres
Français (imposé sur la VO)
8
10
image
La plastique du film est admirablement retranscrite et sublimée par la HD. Couleurs, graphisme très BD, couleurs terreuses hallucinées, tout ressort à merveille.
7
10
son
Comparée au design de la photo, la bande-son semble sous-exploitée. C'est même très calme. Quelques effets (les chiens, les bazookas) dans un environnement sonore discret.
7
10
bonus
- Ari Folman à Cannes, interview et genèse du film (7')
- De Cannes à Sderot, avant-première en Israël et entretien avec le réalisateur (6')
- Scène coupée (0,4')
- Extrait du JT d’Antenne 2 au lendemain du massacre de Sabra et Shatila le 18 septembre 1982 (3')
- Entretien avec Joseph Bahout, politologue, sur la tragédie libanaise (10')
De quoi compléter ses connaissances sur le sujet et découvrir plus en détail le parcours du film. Extrait du JT bienvenu.
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