par Jean-Baptiste Thoret
03 avril 2020 - 13h28

Uncut Gems

année
2019
Réalisateurs
InterprètesAdam Sandler, Keith Williams Richards, Tommy Kominik, LaKeith Stanfield, Julia Fox, Idina Menzel
plateforme
genre
notes
critique
10
10
label
A

Howard Ratner, dit Howie, ne s’arrête jamais. Il croit à sa bonne étoile. Sous acides. Petit patron d’une échoppe de diamants à New York, ce joueur invétéré et hypocondriaque parie sur tout et n’importe quoi, et s’empresse de remettre immédiatement en jeu le moindre pactole gagné. Résultat, l’homme est criblé de dettes, poursuivi par un beau‑frère (Eric Bogosian) dont les sbires le méprisent autant qu’ils veulent lui faire la peau, une famille juive dont il s'échappe dès qu’il peut pour rejoindre sa maîtresse et des quantités d’individus qu’il a, un jour ou l’autre, embrouillés. Insaisissable, toujours en mouvement, Ratner est un météore qui court, fuit, détale, se dérobe, persuadé que sa vitesse et le coup d’après sauront rattraper le fiasco du précédent. Pour lui, la vie est un survival. Un jour, il récupère une opale d’Éthiopie, pierre précieuse dont il est convaincu qu’elle lui ouvrira enfin les portes du pays d’Oz.

 

Après Good Time, les frères Safdie s’affirment comme les nouveaux chefs de file d’un cinéma indépendant new‑yorkais qui renoue avec cette vitalité propre au meilleur cinéma américain des années 1970. Pour preuve d’abord, la qualité documentaire du film (le Diamond District, filmé avec un soin qui évoque les films de Sidney Lumet), mais aussi l’originalité du casting qui, hormis Adam Sandler dont c’est, à ce jour, le meilleur rôle, fait défiler une série de trognes incroyables qui parviennent à exister en quelques plans et détails, qu’il s’agisse d’un milliardaire libidineux tout entier résumé dans un brushing kitsch ou de ces deux diamantaires benêts sortis d’un film d’Herzog.

 

Howard Ratner incarne une sorte de Harry Fabian 2.0, ce looser magnifique des Forbans de la nuit de Jules Dassin qui vendrait tout pour devenir quelqu’un, mais plongé dans le monde des diamantaires new‑yorkais, sous haute influence du Mean Streets de Martin Scorsese. En dépit de ses défauts, de ses mensonges, de son côté bateleur, filou, infidèle et épuisant, on ne peut s’empêcher de soutenir ce bluffeur patenté dans sa quête illusoire d’un Graal.

 

Film noir oblige, Uncut Gems file tout droit vers un dénouement qu’on imagine tragique, une course frénétique, ininterrompue et constamment imprévisible qui dicte la dynamique du film et sa mise en scène enfiévrée. Le premier grand film américain de l’année.

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Tous publics
disponibilité
31/01/2020
image
135'
2.35
UHD 2 160p
HDR Dolby Vision
HDR10
bande-son
Français Dolby Digital Plus 5.1
Anglais Dolby Atmos
Anglais Dolby TrueHD Plus 7.1
sous-titres
Français, anglais, allemand, espagnol, arabe
10
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image

On retrouve la patte du duo de Good Time et de leur directeur photo Darius Khondji, les éclats de couleurs fluo en moins. Toujours dans leur style documentaire caractéristique, leur réalisation file à toute allure dans le sillage à 300 à l'heure de Howie. Dans son échoppe ou dans les rues de New York, tout va vite, tout est un combat, pour preuve les contrastes forcés et une image noircie (presque toujours de nuit) mais toujours une superbe définition et une texture 35 mm qui font toute la différence.

 

Une superbe photographie (Digital Intermediate 4K) peut‑être low profile et volontairement sombre, mais magnifique grâce à un HDR Dolby Vision qui apporte l'éclat aux teintes et aux ambiances, et de la densité à chaque instant. Et même de la vitalité dans le cadre avec une présence essentielle au récit de la ville, ses éclairages et son bouillonnement perpétuel.

10
10
son

Attention, Uncut Gems est un pur film de tchatche, débridé et intense. Si la tête vous tourne, c'est tout à fait normal. Autant dire que la VO est absolument obligatoire. Adam Sandler dans son meilleur rôle est ahurissant, sa voix, son débit, son accent, tout compte. Sans parler des mines patibulaires qu'il croise, toutes très locales elles aussi. Aucun débat possible.

 

Un mot sur la musique expérimentale de Daniel Lopatin alias Oneohtrix Point Never. Une presque transe héritée des Eighties, version harmonieuse, mélodieuse, mystérieuse. Une plongée hypnotique et synthétique dans les quartiers chauds de New York. Un régal.

0
10
bonus
- Aucun

C'est le drame des plateformes, aucune aide au visionnage, à la cinéphilie, à l'analyse filmique. Uncut Gems ou un pur joyau balancé dans un flux de streaming continu. À ne pas louper, donc.

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