Twin Peaks l'intégrale : série TV + film
Culte. À la frontière canadienne, dans la paisible bourgade de Twin Peaks (« cimes jumelles »), le cadavre mutilé d’une jeune fille emballée dans du plastique est découvert près du lac. Il s’agit de Laura Palmer, une lycéenne apparemment sans histoires, qui a été violée, assassinée et abandonnée sur place. Le manque d’indices quant à l’identité du meurtrier provoque des remous au sein de la police et de la petite communauté. Le Shérif Harry S. Truman va très vite recevoir la visite de l’agent spécial Dale Cooper, venu donner un coup de main. C’est une enquête aussi difficile que nébuleuse qui commence...
Bicéphale, schizophrénique, hypnotique, étrange... Autant de qualificatifs qui pourraient définir les trente épisodes de la série TV créée par David Lynch et Mark Frost pour la chaîne ABC. Le show durera deux saisons. Lynch réalisera les épisodes 1, 3, 9, 10, 15, ainsi que le trentième et dernier. Ajoutez à cela un film complètement déviant, Twin Peaks, Fire Walk With Me, une préquelle tournée après la diffusion de la série en 1992, et pas moins de deux pilotes mis sur le marché en dépit du bon sens pour d’obscurs problèmes de contrat. Le ton décalé du show et la façon dont Lynch explose les formes traditionnelles de la série TV feuilletonnante de l'époque (les années 90, celles de Dallas et Dynastie) ne sont certainement pas étrangers au culte voué à Twin Peaks par ses nombreux fans.
L’engouement des cinéphiles pour l’univers de Lynch et celui de Twin Peaks en particulier dure depuis plus de vingt ans, et ne s’est jamais démenti. Même pour le réalisateur, il y aura un avant et un après Twin Peaks. Même s’il est difficile, voire impossible, d’expliquer de manière objective les raisons de cet engouement, on peut au moins essayer d’en définir les contours.
Lors de son arrivée en France le 15 avril 1991 sur feu La 5, la série de Lynch est déjà un phénomène outre‑Atlantique. Avant même sa diffusion dans l’Hexagone, Twin Peaks est un objet de fascination pour les fans du cinéaste. Même la partition musicale d’Angelo Badalamenti suscite déjà un véritable engouement. Le genre de la série (une enquête policière teintée de fantastique), son traitement et la personnalité atypique de son créateur font de Twin Peaks un événement à part entière.
Aussi paradoxal que cela puisse paraître, l’enquête policière développée dans Twin Peaks ne présente que très peu d’intérêt. Ce n’est qu’un postulat de départ qui permet à Lynch d’explorer de multiples pistes. Le scénario va s’attarder sur des sous‑intrigues tout simplement hallucinantes, et développer pour chaque personnage des histoires aux ramifications stupéfiantes, dans un contexte de corruption et de névrose hors du commun. À côté, les interactions entre les personnages de Dallas passent pour de la roupie de sansonnet. Entre les relations extraconjugales des uns, les intérêts économiques ou familiaux des autres, et les secrets honteux de tous, il plane sur Twin Peaks une atmosphère malsaine et terrifiante. Puis tout à coup, sans qu’on s’y attende vraiment, l’identité de l’assassin (en tout cas de son bras armé) est révélée lors de l’épisode 15.
Une fois l’énigme éventée, c’est celui qui se cache derrière le criminel qui intéressera les enquêteurs. Une présence machiavélique et fantomatique, dont la véritable personnalité devient la principale énigme de la série. Le show se termine au trentième épisode sur un goût d’inachevé, tant pour le spectateur que pour son auteur. La toile n’est pas complète, certaines zones restant encore trop obscures pour permettre une vue d’ensemble satisfaisante. Le réalisateur décide alors de s’attaquer aux racines du mal, en tout cas d’y revenir, en tournant en 1992 Twin Peaks, Fire Walk With Me.
Depuis Twin Peaks, chaque long métrage du cinéaste s’inscrit dans une logique poétique qui ne répond pas aux structures narratives cinématographiques classiques. Il en va ainsi de Twin Peaks, le film, mais aussi de Lost Highway et Mulholand Drive. Chaque scène est appréciable dans son unité, et vit en autarcie par rapport au reste du film. Mais elles sont pourtant indissociables du reste du long métrage, car reprenant les mêmes personnages et la même histoire. Toutefois, chacune a sa logique et son thème, qu’il soit drôle, horrible, saphique ou fantasmagorique, et est appréciable comme une œuvre à part entière... Ou comme l’épisode peu banal d’une série qui l'est encore moins.