Trois mille ans à t'attendre
Georges Miller est décidément plein de surprises. Après l’intense Mad Max Fury Road en 2015, son grand retour après des décennies improbables qui l’ont vu signer les dessins animés Happy Feet et le sous‑estimé Babe 2, on aurait pu penser que le réalisateur australien embrayerait sur un autre film d’action post‑apocalyptique dans l’univers de Mad Max. Mais avant de découvrir Furiosa en 2024, c’est un étonnant pas de côté qu’il nous propose avec Trois mille ans à t’attendre. Une fantaisie difficile à catégoriser, à l’image de son réalisateur : surprenante, ambitieuse et profondément amoureuse de cinéma.
Une histoire sans fin longue de 3 000 ans…
On y suit Alithea Binnie (toujours excellente Tilda Swinton), une universitaire anglaise solitaire et en proie aux visions, qui achète une étrange bouteille dans un bazar à Istanbul où elle était venue donner une conférence. Quand elle l’ouvre, un djinn en sort (Idris Elba, parfaitement à contre‑emploi), lui proposant, évidemment, d’exaucer trois vœux. Spécialiste de la littérature et des contes, celle‑ci se méfie et préfère demander au djinn ce qui a pu l’amener à être emprisonné dans cette bouteille. Le djinn se met à raconter son histoire, qui débute 3 000 ans plus tôt...
Une forme qui surprend
Adapté d’une nouvelle de l’autrice anglaise A.S Byatt, Trois mille ans à t’attendre puise son inspiration dans les légendes et la littérature, tout particulièrement dans Les mille et une nuits, et fait le choix de nous proposer une structure à tiroirs qui passe d'une histoire à l'autre à travers les époques et les civilisations, du Moyen‑Orient jusqu'à Londres.
Un choix qui surprend mais ne tombe jamais dans l'écueil du film à sketchs, gardant un rythme nerveux grâce à un montage intelligent qui jongle sans cesse entre passé et présent. Et c'est avant tout une déclaration d'amour à l'art de la narration que nous propose Georges Miller : bercés par la voix d'Idris Elba et une réalisation qui ose toutes les outrances pour nous dépayser, on se laisse prendre par ces histoires de rivalités fraternelles au cœur de l'empire Ottoman, ou encore cette très belle fresque d'émancipation féminine dans la Turquie du XIXe siècle. De quoi créer finalement un pont entre les films enchanteurs pour le jeune public et les œuvres plus crues du réalisateur australien : un film pour les grands enfants qui veulent s'émerveiller face à un réalisateur‑conteur extraordinaire.
Un grand bol d'imaginaire et de fantastique
Bien sûr, cette aventure n'est pas sans accrocs et pourra facilement dérouter. Visuellement, on peut reprocher au film certains choix esthétiques qui lui donnent des impressions de parc d'attractions un peu vulgaire. Et surtout, c'est l'impression d'être face à un film un peu décousu qui pourra braquer certains spectateurs, incapables de se focaliser sur sa propre histoire, et qui nous laisse un peu sur notre faim quand arrive sa conclusion, sans doute le moment le plus faible. Il faut dire que la proposition était courageuse (voire un peu folle), et sans surprise, le film a été un terrible échec au box‑office. Malgré tout cela, il y a dans Trois mille ans à t'attendre beaucoup de choses à aimer pour qui saura profiter du voyage sans y chercher autre chose qu'un grand bol d'imaginaire et de fantastique.