Tristana
Jeune orpheline, Tristana (Catherine Deneuve) est recueillie chez Don Lope (Fernando Rey), un notable aisé de Tolède. La nature filiale de leur relation se transforme avec le temps de pupille à concubine, mais Tristana quitte le domicile après sa rencontre avec Horacio (Franco Nero), un jeune peintre qui la ramène deux ans plus tard, presque à l’agonie…
Ultime réalisation de Luis Buñuel en Espagne (le cinéaste poursuit parallèlement sa carrière dans l’Hexagone), Tristana, à l’instar de sa jumelle sacrifiée Viridiana (1961), relate les étapes successives de l’innocence juvénile vers l’âge des désillusions.
Inféodée à son tuteur qui n’entend rien aux conventions corsetées de l’Église, la jeune maîtresse mène une existence recluse et sans véritable amour jusqu’à son idylle avec Horacio. Toutefois, par un cruel coup du destin (le thème de la fatalité imprégnant toute la filmographie de Buñuel), elle regagne (selon sa propre volonté) la demeure de Don Lope. Souffrante à cause d’une tumeur à la jambe, Tristana en revient le cœur sec, aigrie et impitoyable. À ses côtés, Don Lope, vieillissant, finit par troquer ses mœurs libertines contre un mariage qu’elle expédie avec froideur, toute de noir vêtue, comme pour assister à ses propres funérailles. Sa féminité amputée (quoique dévoilée à un jeune sourd‑muet dans un sursaut de mépris lors d’une célèbre séquence) se joint alors au déclin physique de son époux abhorré.
En plus d’une dialectique conjugale amère, Buñuel s’attache au retournement fatidique, en considérant à la fois le coût de la liberté et le temps qui passe. Indémodable.