Top Gun : Maverick
Dès la première bande‑annonce dévoilée en juillet 2019, deux ans avant la sortie du film, un frisson nous parcourait déjà l’échine. En plein désert, un avion fonçait en rase‑mottes avant de se cabrer vers ciel, tandis qu’une voix off (Ed Harris) égrainait un à un les états de services d’un pilote de génie mais rebelle. Le pilote en question, c’était bien sûr Maverick. Son supérieur concluait son impressionnant CV par « La fin est inéluctable Maverick, vous êtes une espèce en voie d’extinction ». Et Maverick de répondre : « Peut‑être… mais pas aujourd’hui ».
Une bande‑annonce prophétique qui, à elle seule, résume tout ce qu’est Tom Cruise, son rapport au cinéma et à sa manière de le concevoir, spectaculaire et émouvante, généreuse et nostalgique, toujours en prise avec le réel. Autant de raisons qui expliquent la place incroyable et unique qu’il occupe aujourd’hui à Hollywood et dans le monde du cinéma en général.
Qui dit mieux ?
Car oui, Tom Cruise est un dinosaure, le dernier représentant d’une espèce en voie de disparition qui, à 60 ans, continue de faire lui‑même ses cascades de l'extrême, pilote ici notamment son propre avion (un P‑51 Mustang), privilégie toujours la prouesse physique au numérique, prend le temps de raconter une histoire, d'allier émotion et spectaculaire, bref, de s’investir dans des projets que plus personne d’autre ne veut (peut ?) faire.
Trente‑cinq ans après la sortie de Top Gun, Tom Cruise fait mieux qu’assurer une simple suite. Non seulement il livre un film encore supérieur à son modèle, techniquement époustouflant (il a fallu inventer des caméras capables de s'entasser dans des cockpits de F18 !), et met tout le monde hollywoodien à l’amende : 6,5 millions d’entrées France, cinquième plus grand succès de l’histoire aux États‑Unis avec 716 millions de dollars de recettes, 768 millions à l’international et presqu’1,5 milliard de dollars dans le monde entier. Qui dit mieux ? Personne.
Toujours plus fort
Là où d’autres se seraient contentés de faire un simple fan service mou du genou, Cruise pousse le curseur encore plus loin. Avec, pour l’aider dans son entreprise, le producteur vétéran Jerry Bruckheimer, le réalisateur Joseph Kosinski et les scénaristes Ehren Kruger, Eric Warren Singer et Christopher McQuarrie. Une équipe de choc pour un film qui s’articule autour du vieillissement de son héros, Pete « Maverick » Mitchell (Tom Cruise) qui, en dépit de ses états de service, est resté simple capitaine. Aujourd’hui pilote d’essai, son âge n’a pas émoussé son envie inexorable de tester ses limites et celles des appareils expérimentaux qu’il pilote. Mais quand il est appelé à revenir dans son ex‑école Top Gun pour former une douzaine de nouveaux pilotes dans le but de remplir une mission top secrète extrêmement périlleuse, il fonce, surtout que le lieutenant Bradley « Rooster » Bradshaw (Miles Teller), fils du regretté Nick « Goose » Bradshaw, son ami disparu tragiquement dans le premier film, fait partie des appelés.
Garanti sans CGI
Ainsi s'ouvre le film, dans un festival de clins d’œil astucieux et généreux au premier opus de Tony Scott. Quelques minutes en apesanteur où le spectateur ne sait plus du tout quel film il est en train de voir. Opération madeleine de Proust réussie. Et la suite est démente. Intelligente. Parfaitement mise en œuvre avec des plans aériens jamais montrés au cinéma, donnant à voir les pilotes de chasse au plus près de leurs prouesses. Prises depuis les cockpits des avions ou depuis le Cinéjet (avion doté d'une caméra dans son nez) en vol parallèle, les images des entraînements ou des combats sont spectaculaires, hautement cinématographiques et enthousiasmantes. Le tout garanti sans CGI, et ça se voit.
Habité comme jamais, bercé par l’ivresse des hauteurs, Tom Cruise enchaîne les exploits, encaisse les G le visage déformé par la pression. Les autres comédiens, formés au vol en F18 pendant des mois, ne sont pas en reste. Là‑haut, personne pour les diriger, activer les caméras à leur place, synchroniser les dialogues ou les faire jouer avec la lumière. Une prouesse collective, magnifiée par la mise en scène immersive de Joseph Kosinski (Oblivion également avec Tom Cruise) qui a un temps hésité avec une carrière d'ingénieur dans l'aérospatial. Une passion pour les avions communicative et de la pure adrénaline pour le spéctateur.
Jusqu'au bout, le dosage émotion/action fonctionne à merveille. Impossible de ne pas citer la participation de Val Kilmer, respectueuse de l’acteur et de sa maladie qui a atteint ses cordes vocales. Pour conclure, du grand cinéma spectaculaire et crédible, généreux et émouvant, dont le carburant principal est un certain Monsieur Tom Cruise. Alors un jour, oui, le cinéma devra faire sans lui, peut‑être… mais pas aujourd'hui.