Tony Manero
En attendant No, le dernier film de Pablo Larrain présenté à la Quinzaine des réalisateurs 2011, voici l’occasion de redécouvrir Tony Manero, son précédent opus, qui décrit la dictature de Pinochet via la vie grise d’un homme vieillissant, mutique et fou de Travolta, dont le rêve ultime est de gagner le concours télévisé du meilleur Tony Manero (nom du personnage interprété par Travolta dans La fièvre du samedi soir).
Le sujet est formidable, même s’il est parfois (un peu) plombé par un traitement « art et essai ». Nous sommes donc en 1978, au plus fort de la période noire chilienne, et Raul (Afredo Castro), ce danseur d’une cinquantaine d’années, sec comme une branche d’érable, ne vit plus que pour son concours, seule issue fantasmatique d’une société devenue carcérale et grisou.
La séquence d’ouverture dit tout du film : vêtu en Tony Manero, Raul se rend sur le plateau d’une chaîne de télévision qui organise des concours de sosies, mais Raul s’est trompé de date. Aujourd’hui, ce n’est pas John Travolta mais Chuck Norris…
Entre humour noir et réalité crasseuse (l’image du film est volontairement sale), Tony Manero décrit un Chili constitué de ruelles crasseuses et sombres, de résidences entourées de grillages et de chiens agressifs, et de flics surarmés capables de surgir à tout moment.
Enfin, dans sa façon de plonger dans les arcanes mentaux d’un personnage qui entretient avec son corps un rapport hyper‑narcissique, le film de Larrain évoque parfois le Taxi Driver de Scorsese. Ce n’est pas le pire des compliments qu’on puisse lui faire.