The Substance
Une ancienne star hollywoodienne, devenue vedette d’une émission d’aérobic (Demi Moore), est virée le jour de ses 50 ans à cause de son âge trop élevé, renvoyée à son image dans une industrie qui n'épargne rien à ses actrices. Le moral au plus bas, elle reçoit une mystérieuse proposition d'un laboratoire, appelée « the Substance ». Une simple injection offre la possibilité de créer une meilleure version d'elle‑même (Margaret Qualley, The Leftlovers). Seule condition : revenir tous les sept jours dans son ancien corps.
Body double
« Body horror féministe » comme le présente sa réalisatrice Coralie Fargeat (Revenge), The Substance fut la claque du dernier Festival de Cannes qui lui attribuât le Prix du Scénario. Prix certainement mérité mais étonnant au regard de sa mise en scène et de son interprétation qui méritaient également (et sans doute plus) d’être récompensé. Trêve de polémiques, The Substance est un incroyable voyage, malin, maîtrisé, totalement assumé et même radical. C’est peut‑être là son plus grand défaut, s’il fallait lui en trouver un.
Tout dans le film ‑la lumière, l’image, les couleurs, les décors, les sons‑ semble à la fois naturel et artificiel, comme s'il voulait sans cesse nous rappeler qu’il nous parle d’une industrie du faux. Le spectateur est happé, comme hypnotisé par la vision de la réalisatrice qui excelle dans la mise en scène de peu de mots. La séquence d’ouverture, vertigineuse plongée dans la vacuité et l’éphémère de la fame, en est un bel exemple. The Substance se révèle être un étrange mélange de Tati et de Cronenberg au discours ultra‑féministe. Un film qui épouse malicieusement le regard masculin outrancier pour mieux le dénoncer.
À corps et à cris
Les corps sont dénudés, les gros plans sexualisés façon 90’s. Les deux actrices, géniales dans leur rôle double, donnent tout. Elles ne s’épargnent presque rien dans une vertigineuse mise à nu et en abyme de leur condition de femme à Hollywood. La démonstration est d’autant plus magistrale qu’elle est implacable.
Le film nous rappelle constamment le monde hyper‑sexualisé qui nous entoure pour finalement mieux le déconstruire au figuré comme au propre. Ou plutôt au gore. Les corps, souvent filmés en macro, vont souffrir et pas qu’un peu. On savait la réalisatrice peu avare en hémoglobine (ah le final de Revenge !), mais avec The Substance, elle passe un cap très inspiré de la scène de l’ascenseur de Shining. Un film très cité par ailleurs dans The Substance. Le gore oui, mais le gore qui a du sens.
Radical jusqu’à l’extrême, le film se conclut dans une orgie gore qui déroutera pas mal de spectateurs (dont l’auteur de ces lignes). C’est sans doute la volonté du film : ne laisser personne indifférent quitte à bousculer. Car sous ses airs de film de genre, The Substance est avant tout un cri, un ras‑le‑bol de la vision masculine dominante et de sa permanente injonction à la beauté.
Et ce n’est sûrement pas un hasard, d’ailleurs, si le producteur de l’émission d'aérobic, joué par Dennis Quaid, se prénomme Harvey…