The Reader
Berlin, au lendemain de la Seconde guerre mondiale. Population un brin éberluée, ambiance post-douche froide, gris et pluie partout. Michael Berg (David Kross), un ado de 15 ans, fait la connaissance d'Hannah, une femme trentenaire (Kate Winslet, Oscar archi-mérité) dont il devient l’amant.
Jeux de l’amour et de la lecture s’entrelacent rapidement, puisqu’à l’éducation sentimentale de Michael s’ajoutent les nombreuses lectures qu’il fait à sa maîtresse, rituels pré-coït où se succèdent pêle-mêle Homère, Tintin, La dame au petit chien de Tchekhov, Huckleberry Finn et autre Lady Chatterley.
À première vue, tout va pour le mieux, couleurs délavées pour le monde extérieur et chaudes pour le nid d’amour. Mais sans encore savoir pourquoi (voir la seconde partie du film), un voile sombre obscurcit leur relation, un malaise sourd qui émane du comportement d’Hanna, de ses sautes d’humeur, de cet air parfois hagard et inexplicablement inquiet qu’elle arbore au contact des autres.
Un jour, Hanna disparaît sans prévenir. Huit ans plus tard, Michael, devenu étudiant en droit, la retrouve sur les bancs des accusés pour crime de guerre nazi et découvre son passé de gardienne des camps. Le temps passe, Hannah est condamnée à vingt ans d’enfermement et Michael, devenu mari, père (et Ralph Fiennes), reste inconsolable. Un air de chien battu que l’acteur du Patient anglais, impeccable, maîtrise à la perfection.
Si l’on n'a pas lu le best-seller éponyme de Bernard Schlink (1995) dont The Reader est tiré, on pénètre dans ce film sans la moindre idée de ce qui pèse sur sa première partie, de loin la meilleure. Mais lorsque Stephen Daldry (The Hours) dévoile enfin le secret -et pas le plus léger : le poids de l’Holocauste sur trois générations d’Allemands- il peine à retisser l’histoire de jeunesse de Michael à la grande, l’immense, l’écrasante Histoire de la Shoah.
C’est peu de dire que Stephen Daldry et ses deux producteurs, Sydney Pollack et Anthony Mingella (tous deux décédés pendant le tournage), avancent avec précaution, timidité même, comme si à force d’éviter les mines du sujet et ses clichés, leur mélo philosophique se tétanisait au contact de la complexité des thèmes abordés (la loi et la morale, la culpabilité et la conscience, la mémoire et la rédemption, l’illettrisme et la barbarie, etc.), et calait au point mort d’une innocence perdue : Michael adulte reste dévasté et Hanna, apparatchik naïve, comprend à peine l’horreur de ses actes.
Au fond, le problème du film ne provient pas de ce qu’on lui reprochera sans doute, autrement dit d’avoir humanisé une Nazie (Fritz Lang, le plus grand, l’aurait fait et aurait eu raison : comprendre même les pires d’entre nous), ni de confondre parfois pardon et rachat (les maigres économies d’Hanna versées à une association juive), mais d’être resté au seuil de la seule question qui le hante : comment faire le deuil de la Shoah ? Soit se souvenir et avancer.
Enfin, on ne regrettera pas Nicole Kidman, remplacée au pied levé par Kate Winslet pour cause de grossesse et scènes de nu impossibles à tourner. Winslet irradie tellement le film qu’à la fin, on se demande ce que, sans sa présence, il aurait été.