The Killer inside me
The Killer inside me fait partie de ces films, désormais peu nombreux, dont la sortie en salles fut précédée d’une rumeur sulfureuse, d’un petit parfum de scandale opportun sur fond de violence et de sexe. Soit les deux signaux qui attisent toujours l’esprit étriqué des puritains et font vibrer les tiroirs‑caisses des auteurs.
Adapté d’un roman de Jim Thompson (Le Démon dans la peau, son meilleur paraît‑il) que Burt Kennedy avait déjà porté à l’écran en 1976, le dernier film de Michael Winterbottom (Un cœur invaincu, The Road to Guantanamo, et déjà, la violence américaine) est un cheval de Troie. Le cheval, c’est une scène de violence plutôt extrême, digne du défonçage de gueule qui ouvrait Irréversible ou du mémorable passage à tabac de Brando dans La poursuite impitoyable de Penn. Mais ici, comme Bellucci dans le film de Gaspard Noé, la belle possède le visage d’ange de Jessica Alba et le tortionnaire, celui de Casey Affleck (Gerry), shérif adjoint lisse et premier de la classe d’un bled endormi du Texas des années 1950. La scène dure quelques minutes et vous glace le sang.
Pour le reste, et c’est l’intérieur du cheval, The Killer inside me cale son pas nonchalant sur Lou Ford, flic coincé entre une épouse aimante et nunuche (Kate Hudson) et une putain au grand cœur (Jessica Alba). Lou possède le charisme d’une nouille et un tueur inside him. Sous ses apparences de benêt cool, les femmes réveillent en lui des accès de brutalité. Origine du trauma oblige, la pathologie de Lou vient de loin, et plus précisément de sa mère qui, déjà, aimait qu’on lui botte les fosses pendant le coït. Vieux truc convenu : le bourreau est aussi une victime. Lou aime sincèrement les femmes qu’il assassine, et sa froide intelligence fait tâche au milieu de ses congénères bas de plafond.
En épousant la psyché clivée et autodestructrice de son personnage (récit à la première personne chez Thompson devenu voix‑off ici) sans pousser jusqu’au bout la confusion réalité/fantasme, Winterbottom tente de naviguer entre la surface apaisée d’une Amérique sympathique dopée par le boom pétrolier et ses effets corrupteurs. Lou est‑il alors le produit de son environnement ? Peut‑être. Mais très vite, on s’en contrefout et le récit se borne à une longue succession de scènes souvent ennuyeuses et dénuées de profondeur.
Film noir rétro et appliqué, flanqué d’une hyper‑conscience de lui‑même qui le tétanise, The Killer inside me, sorte de Hot Spot dépassionné, aborde des sujets capitaux mais les laisse tous en vrac (la Morale, le Bien, le Mal, la Responsabilité, etc.). Surtout, et contrairement au (très bon) film de Burt Kennedy, Winterbottom opte pour une position fatale qui consiste à tout filmer, non pas en marge du genre (Chinatown de Polanski) mais en surplomb, comme un théoricien un peu froid qui sait déjà ce que ses personnages feignent de ne pas savoir.