par Nicolas Bellet
16 avril 2024 - 10h54

The Hitcher

année
1986
Réalisateur
InterprètesC. Thomas Howell, Rutger Hauer, Jennifer Jason Leigh
éditeur
genre
sortie
12/04/2024
notes
critique
8
10
A

Alors qu’il roule sur une autoroute déserte en direction de la Californie, Jim Halsey prend en auto‑stop un dénommé John Ryder. Très rapidement, Jim comprend qu’il a affaire à un tueur psychopathe…

 

Pouce levé 

On ne va pas le cacher : rare furent en 1986 les spectateurs assez curieux pour aller voir le grand méchant de Blade Runner (Rutger Hauer) martyriser l’ex‑copain d’E.T. (C. Thomas Howell) sur fond de désert californien, le tout devant la caméra et sur un scénario de deux illustres inconnus : Robert Harmon et Eric Red. L’histoire veut pourtant qu’ils eurent raison, car avec le temps, Hitcher est bel et bien devenu un film culte. Film qui n’a pas trop eu à souffrir des affres du temps, d'ailleurs. Mais plus de sa suite et de son remake, dispensables l’un comme l’autre. Notons qu'à l’occasion de ce remaster 4K (test à suivre ci‑dessous), le film s’offre une petite ressortie salles. On dit ça, on ne dit rien.

 

Alors qu’est‑ce qui fait de Hitcher, petite série B qui fleure bon les années 80, un film à part ? Sans conteste beaucoup de chance, puisque ni le réalisateur ni le scénariste ne réitérera l’exploit de laisser sa trace dans la cinéphilie. Sans doute également la présence à la caméra de John Seale, génial directeur photo pour Peter Weir (Witness, Mosquito Coast, Le cercle des poètes disparus, c’est lui), de George Miller (Mad Max Fury Road) ou encore du premier Harry Potter. Bref, quelqu’un qui sait sublimer la lumière et faire de belles images avec un rien. Le film est une orgie de magnifiques plans de présence humaine écrasée par le désert, de duel homme‑voiture, de gros plans de visages et de couchers de soleil étouffants. En un mot, la photo du film est magnifique. À mille lieues de l’esthétique clipesque qui sévissait alors.

 

Beau comme un camion

Mais ce que l’on retient du film, c'est surtout la composition hallucinée et encore jamais égalée de Rutger Hauer, à l’apogée de sa carrière internationale, période durant laquelle l’acteur hollandais enchaîna Blade Runner, Osterman Wee-end, Laydyhawke, La chair et le sang (avec également Jennifer Jason Leigh), Hitcher et La légende du saint buveur (Lion d’or, Venise 1988). Difficile d’oublier son terrifiant et charmant sourire en coin. À la fois effrayant et magnifique, il incarne à lui seul la fascination et la beauté du Mal racontées en filigrane par le film. Ce que Haneke théorisait brillamment avec Funny Games (en 1997 et 2007), Hitcher nous le faisait déjà ressentir, dix ans plus tôt, grâce au talent de son acteur. Il y a beaucoup de l’ambiguïté de Norman Bates (plan final de Psychose) dans l'interprétation de Rutger Hauer. Sans doute le meilleur rôle du comédien, décédé en 2019.

 

Riders on the Storm

Il serait toutefois injuste d’attribuer tout le mérite du film à son directeur photo et son vilain. Déjà parce que ce dernier n’apparaît en fait pas énormément dans le film, mais surtout parce que le scénario et la réalisation sont assez remarquables. Secs, arides, sans fioritures, ils vont à l’essentiel sans omettre d’offrir au héros une certaine psychologie et une belle évolution. Le film démarre en trombe, et rares sont les moments où la tension retombe.

 

On l’a dit, l’image du film est souvent très belle, mais la composition des plans, le choix du cadrage et les idées de montage sont tout autant remarquables. À l’instar des Dents de la mer et faute de moyens sans doute, le film opte très souvent pour la suggestion, et cela lui va bien. Le moment un peu gore dans le commissariat est presque de trop. Peu de violence est au final montrée (contrairement au remake). Le film laisse le spectateur imaginer et forcément, c'est pire. La perversité de John Ryder, le méchant autostoppeur, est hautement suggérée au point que l’on peut parfois se demander si elle est réelle. La paranoïa nous envahit, comme elle a envahi le jeune héros.

 

Alors bien sûr, le film n’a rien inventé et évoque beaucoup Duel ou les Nerfs à vif, mais il possède un petit truc en plus dans ce rapport malsain, entre fascination et répulsion, qu'entretiennent les deux personnages. Le film est viscéral et nous entraîne avec lui. Un peu comme dans la chanson des Doors qui a inspiré à Eric Red son scénario, Riders on the Storm…

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test
4k
cover
Prix : 29,99 €
disponibilité
12/04/2024
image
1 UHD-66 + 1 BD-50, 97', toutes zones
2.35
HD 2 160p (HEVC)
SDR 16/9
bande-son
Français DTS-HD Master Audio 2.0
Anglais DTS-HD Master Audio 2.0
sous-titres
Français imposé sur la VO
5
10
image

Pas de HDR, un rendu plutôt plat, une restauration pas franchement marquante : autant le dire tout de suite, on est loin des standards habituels de la 4K. Ne boudons toutefois pas notre plaisir de revoir le film sur ce support, même avec ses défauts (surtout les scènes de nuit peu lisibles, parsemées de points noirs et autres griffures) et sa photo trop douce mais naturelle. L'aspect vintage est donc conservé et certains gros plans ont encore de beaux restes. On regrette toutefois que les scènes écrasées de chaleur et de soleil ne ressortent pas davantage et que les couleurs n'explosent jamais vraiment (tout comme les noirs). La photo du film mérite clairement une refonte plus aboutie. En attendant, celle‑ci a le mérite d'exister. 

6
10
son

Une bonne VO stéréo qui fait le job, pas trop agressive ni trop lointaine. La musique de Mark Isham passe encore bien et nous plonge encore la tête la première dans ce duel de l'enfer. Dialogues parfaitement clairs en VO. VF un cran en dessous, notamment dans l'incarnation des personnages, avec une action moins intense à la clé.

8
10
bonus
- Livre de 60 pages par Olivier Père
- Présentation du film par le critique de cinéma Samuel Blumenfeld (39')
- The Hitcher, comment peut-on faire des films comme ça ? (38')
- Documentaire Rutger Hauer : blond aux yeux bleus (60')

Une superbe section éditoriale, à commencer par le film de la documentariste Simone de Vries, Rutger Hauer : blond aux yeux bleus. En voiture, lors de séances de doublage très gutturales, à l'aéroport, à bord de son voilier, sur un tournage, la réalisatrice suit le comédien tout en le sondant sur son métier, ses souvenirs et son rapport aux autres sur les plateaux. Il est étonnant d'ailleurs de constater à quel point le comédien a tout gardé de son parcours et possède des archives folles sur tous types de supports. Son flegme et sa tranquillité apparente sont à l'opposé de ce que l'on imagine de lui.

 

On apprend dans la présentation du film par Samuel Blumenfeld que tout a commencé pour le scénariste Eric Red par une histoire vraie assez semblable, au cours de laquelle il avait eu du mal à se débarrasser un auto‑stoppeur trop gênant. Et s'il n'avait pas réussi à le faire sortir de sa voiture ? C'est l'histoire de The Hitcher.

Une présentation incontournable suivie d'un autre module qui montre à quel point faire des films à l'époque était très différent d'aujourd'hui : les producteurs du film n'avaient par exemple jamais rencontré le scénariste avant le tournage, échangeant sur le scénario en amont uniquement au téléphone. Même chose pour le réalisateur Robert Harmon qui n'a rencontré le directeur photo du film John Seale qu'une fois sur le tournage. Heureusement, ça a tout de suite matché entre eux, et cela se voit à l'écran.

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