The Hitcher
Alors qu’il roule sur une autoroute déserte en direction de la Californie, Jim Halsey prend en auto‑stop un dénommé John Ryder. Très rapidement, Jim comprend qu’il a affaire à un tueur psychopathe…
Pouce levé
On ne va pas le cacher : rare furent en 1986 les spectateurs assez curieux pour aller voir le grand méchant de Blade Runner (Rutger Hauer) martyriser l’ex‑copain d’E.T. (C. Thomas Howell) sur fond de désert californien, le tout devant la caméra et sur un scénario de deux illustres inconnus : Robert Harmon et Eric Red. L’histoire veut pourtant qu’ils eurent raison, car avec le temps, Hitcher est bel et bien devenu un film culte. Film qui n’a pas trop eu à souffrir des affres du temps, d'ailleurs. Mais plus de sa suite et de son remake, dispensables l’un comme l’autre. Notons qu'à l’occasion de ce remaster 4K (test à suivre ci‑dessous), le film s’offre une petite ressortie salles. On dit ça, on ne dit rien.
Alors qu’est‑ce qui fait de Hitcher, petite série B qui fleure bon les années 80, un film à part ? Sans conteste beaucoup de chance, puisque ni le réalisateur ni le scénariste ne réitérera l’exploit de laisser sa trace dans la cinéphilie. Sans doute également la présence à la caméra de John Seale, génial directeur photo pour Peter Weir (Witness, Mosquito Coast, Le cercle des poètes disparus, c’est lui), de George Miller (Mad Max Fury Road) ou encore du premier Harry Potter. Bref, quelqu’un qui sait sublimer la lumière et faire de belles images avec un rien. Le film est une orgie de magnifiques plans de présence humaine écrasée par le désert, de duel homme‑voiture, de gros plans de visages et de couchers de soleil étouffants. En un mot, la photo du film est magnifique. À mille lieues de l’esthétique clipesque qui sévissait alors.
Beau comme un camion
Mais ce que l’on retient du film, c'est surtout la composition hallucinée et encore jamais égalée de Rutger Hauer, à l’apogée de sa carrière internationale, période durant laquelle l’acteur hollandais enchaîna Blade Runner, Osterman Wee-end, Laydyhawke, La chair et le sang (avec également Jennifer Jason Leigh), Hitcher et La légende du saint buveur (Lion d’or, Venise 1988). Difficile d’oublier son terrifiant et charmant sourire en coin. À la fois effrayant et magnifique, il incarne à lui seul la fascination et la beauté du Mal racontées en filigrane par le film. Ce que Haneke théorisait brillamment avec Funny Games (en 1997 et 2007), Hitcher nous le faisait déjà ressentir, dix ans plus tôt, grâce au talent de son acteur. Il y a beaucoup de l’ambiguïté de Norman Bates (plan final de Psychose) dans l'interprétation de Rutger Hauer. Sans doute le meilleur rôle du comédien, décédé en 2019.
Riders on the Storm
Il serait toutefois injuste d’attribuer tout le mérite du film à son directeur photo et son vilain. Déjà parce que ce dernier n’apparaît en fait pas énormément dans le film, mais surtout parce que le scénario et la réalisation sont assez remarquables. Secs, arides, sans fioritures, ils vont à l’essentiel sans omettre d’offrir au héros une certaine psychologie et une belle évolution. Le film démarre en trombe, et rares sont les moments où la tension retombe.
On l’a dit, l’image du film est souvent très belle, mais la composition des plans, le choix du cadrage et les idées de montage sont tout autant remarquables. À l’instar des Dents de la mer et faute de moyens sans doute, le film opte très souvent pour la suggestion, et cela lui va bien. Le moment un peu gore dans le commissariat est presque de trop. Peu de violence est au final montrée (contrairement au remake). Le film laisse le spectateur imaginer et forcément, c'est pire. La perversité de John Ryder, le méchant autostoppeur, est hautement suggérée au point que l’on peut parfois se demander si elle est réelle. La paranoïa nous envahit, comme elle a envahi le jeune héros.
Alors bien sûr, le film n’a rien inventé et évoque beaucoup Duel ou les Nerfs à vif, mais il possède un petit truc en plus dans ce rapport malsain, entre fascination et répulsion, qu'entretiennent les deux personnages. Le film est viscéral et nous entraîne avec lui. Un peu comme dans la chanson des Doors qui a inspiré à Eric Red son scénario, Riders on the Storm…