The Company
Berlin, 1954. Le chef local de la CIA Harvey Torriti (Alfred Molina) et son protégé Jack McCauliffe (Chris O’Donnell) tentent de faire passer à l’Ouest des transfuges du KGB en échange d’informations qui pourraient leur permettre de démasquer une taupe infiltrée au sein de la CIA. Durant près de quarante ans, McCauliffe tentera de découvrir l’identité de cet homme, tout en combattant aux côtés des peuples opprimés par l’Union Soviétique (l’insurrection de Budapest) ou opposés au régime communiste en place (les exilés cubains en guerre contre Castro, lors du fiasco de la Baie des Cochons). Il faudra des dizaines d’années pour mettre un terme à cette enquête tortueuse impliquant tous les services secrets du monde.
Ambitieuse mini‑série soutenue par la société de production des frères Ridley et Tony Scott, et portée par un impeccable casting (outre Molina et O’Donnell, on retrouve Michael Keaton, Alessandro Nivola, Natascha McElhone…), The Company retrace une large partie de la Guerre Froide, décryptant la complexité des relations entre le KGB et la CIA, et plus largement entre les deux blocs d’une guerre sourde et interminable. Mêlant personnages historiques et de fiction, ce récit, adapté du roman éponyme du journaliste et écrivain Robert Littell par Ken Nolan (scénariste sur La chute du faucon noir), nous permet de plonger dans cette période trouble via le point de vue de McCauliffe. Cet agent de la CIA est loin d’incarner le cliché de l’Américain bien‑pensant, apôtre de l’Occident prêchant la bonne parole et faisant au passage la leçon à ces mécréants de communistes. Au contraire, le personnage, certes bienveillant et courageux, se trouve souvent tiraillé entre les deux camps. Car même s’il défend ses idéaux, il comprend les convictions de ses adversaires et permet d’éviter un traitement manichéen.
On y découvre ainsi la lâcheté des Américains, délaissant les Hongrois en pleine révolte sanglante, ou encore les exilés cubains, véritable chair à canon abandonnée sur les plages de Cuba. Mais on comprend aussi que les décisions d’envoyer des renforts militaires n’émanaient pas d’un seul homme. On assiste également à des bains de sang, causés aussi bien par l’oppresseur que par l’oppressé, qui porte ses derniers espoirs sur la lutte armée. Cette époque, complexe, violente, parfaitement restituée dans cette fresque historique et dramatique, fait parfois écho à la nôtre en abordant en filigrane la notion de souveraineté et le principe de non‑ingérence. Les questions posées restent sans réponse, et c’est en cela que The Company, bien plus qu’un simple thriller, donne à réfléchir.