Tetris
Quand il veut, et qu’Hollywood le laisse faire, le cinéma américain possède un certain savoir‑faire pour les success story. Celle‑ci, dans les coulisses de la création du jeu vidéo culte Tetris (souvenez‑vous, les pièces à empiler parfaitement qui tombent de plus en plus vite du haut de l'écran), mais aussi et surtout la bataille pour ses droits d’exploitation dans le monde, est une histoire aussi inattendue qu'extrêmement bien retracée par le réalisateur Jon S. Baird.
Une histoire digne d'un James Bond
Inattendue parce que l’histoire vraie qui se cache derrière ce jeu ultra‑populaire est déjà en soit une matière première incroyablement foisonnante, le jeu ayant été créé de manière quasiment accidentelle sur son temps libre par Alekseï Pajitnov, un jeune informaticien russe coincé en pleine Guerre Froide. Et que sa bataille ‑ou plutôt celle d'un ami inattendu‑ pour en acquérir les droits mondiaux va impliquer de multiples confrontations entre des agents du KGB, des businessmen milliardaires opportunistes et un VRP américain qui a flairé l’affaire du siècle.
Il y a autant d’ingrédients dans cette histoire que dans celle d’un bon James Bond. Et tout fonctionne parfaitement parce que les auteurs se sont avant tout concentrés sur cette course folle aux droits d'exploitation plutôt que sur sa création, qui ne présente en elle‑même que peu d’intérêt dramatique. Cette quête du Graal est d'autant plus palpitante qu’elle est menée par un preux chevalier geek, Henk Rogers (campé par un Taron Egerton fantastique), dont la transformation en espion chevronné faisant la nique au KGB se déroule quasiment en temps réel sous nos yeux.
Une géniale course‑poursuite façon Tetris
Tous les ingrédients d’un bon thriller d’espionnage sont d'ailleurs utilisés sans compter : suspense millimétré, fax récalcitrant, réussir ou pas à attraper un avion in extremis, course‑poursuite en voitures en plein Moscou (une séquence assez géniale qui fait évidemment penser à une partie de Tetris), taupes, agents doubles voire triples, coups bas en pagaille, complots et rebondissements multiples, le tout agrémenté de références directes au jeu lui‑même, habilement restituées par des mouvements de caméra et parfois même lors de certains impacts donnant à l'écran une image pixélisée bumpée !
Un film malin, rusé et surtout généreux
Au final, si l'ensemble fait presque profile bas, a été super validé par la Tetris Company et présente parfois un jargon juridique abscons, Tetris est un film à l’image de son héros : malin, rusé et surtout, ce qui fait la différence avec la majorité des films hollywoodiens du moment, extrêmement généreux. Il ne reste plus qu’à saluer encore une fois la performance de Taron Egerton (Kingman), impressionnant par sa justesse. Au final, toutes les pièces du film Tetris s’imbriquent parfaitement, c’est un perfect ! Et pour ceux qui l'auraient oublié, le jeu Tetris tire son nom du mélange de « tetra » en grec (« quatre », pour les quatre cases de chaque bloc à emiler) et « tennis ».