par Jean-Baptiste Thoret
24 octobre 2011 - 12h33

Taking Off

année
1971
Réalisateur
InterprètesLynn Carlin, Buck Henry, Paul Benedict, Audra Lindley, Vincent Schiavelli, Tina Turner
éditeur
genre
notes
critique
8
10
label
A

De tous les cinéastes européens venus à la fin des années 60 (Demy, Varda, Antonioni, Boorman) profiter du vent nouveau qui soufflait alors à Hollywood, Milos Forman, contraint de quitter la Tchécoslovaquie après le Printemps de Prague, fut l’un des seuls à ne pas chausser les bottes, alors confortables, de la contre‑culture et de cette jeunesse « marijuanée », désireuse d’en découdre avec « le système ». Les utopies révolutionnaires, la récupération des énergies contestataires, la versatilité des alternatives politiques…, Forman connaît ça par cœur et Taking Off, son premier film américain, ne tombe pas dans le piège de la célébration béate de la génération Flower Power.

Quatre ans avant Vol au‑dessus d’un nid de coucou qui fera de lui un poids lourd du cinéma hollywoodien, Forman prolonge avec Taking Off la veine des satires sociales qu’il avait réalisées dans son pays d’origine (Les amours d’une blonde, Au feu les pompiers !), et braque sa caméra sur la middle class new‑yorkaise du début des années 70. D’un côté, une adolescente mutique, qui fréquente la jeunesse d’alors, va et revient dans un appartement familial où tout échange semble rompu ; de l’autre, ses parents (Buck Henry, version frêle et moins grimaçante de Jack Lemmon, et Lynn Carlin, l’héroïne de Faces) qui, au fil d’expériences rocambolesques, tentent d’établir un dialogue avec cette nouvelle génération dont ils ont perdu les clés.

Forman ne choisit pas son camp mais place sa caméra à équidistance des deux, croquant avec une tendresse goguenarde les contradictions des uns et des autres, qu’il s’agisse de ce chanteur contestataire qui finit par engraisser la société qu’il dénonce grâce aux royalties pharaoniques qu’il perçoit, ou de ces adultes incapables de faire la différence entre une petite prise de liberté et une fugue (à moins qu’ils aient trop vu les films de Nicolas Ray…).

Caustique, bienveillant, délicat et parfois burlesque, Taking Off navigue, sinon à contre‑courant, en tout cas en marge de l’humeur de l’époque, puisqu'à côté de ces auditions où défilent des dizaines de nouvelles stars brassant, guitare à l’épaule et chevaux embroussaillés, les pires clichés de la folk song engagée, les parents, eux, s’affranchissent comme des grands du carcan qui les oppresse et s’initient à l’occasion d’une séquence mémorable à la fumette, afin de mieux comprendre ce qui trotte dans la tête de leurs chérubins.

Forman renvoie ainsi dos à dos deux modèles qu’une cotte de maille oppose : les libertaires fabriquant malgré eux les outils de leur aliénation, et les conservateurs, découvrant les vertus du desserrement de boulons. Sinon, pour les amateurs d’apparitions surprenantes, Kathy Bates en Joan Baez joufflue, Jessica Harper (première audition quatre ans avant Phantom of the Paradise) et la (déjà) tigresse Tina Turner.

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Tous publics
Prix : 24,99 €
disponibilité
26/03/2011
image
BD-25, 92', zone B
1.85
HD 1 080p (AVC)
16/9 natif
bande-son
Français PCM mono
Anglais PCM mono
sous-titres
Français (imposé sur la VO)
7
10
image
Le grain saute tout de suite aux yeux mais n'entache en rien le plaisir de visionnage. D'ailleurs, peu à peu, on s'étonne de l'excellente tenue de la définition, de la profondeur de l'image, de la précision générale et des couleurs solides. Alors oui, parfois, sur quelques scènes sombres, le grain devient fourmillement voire bruit, mais l'ensemble tient bon la barre. Les quelques défauts mineurs (points blancs et tâches) ne nous démotivent en rien !
5
10
son
Qu'il s'agisse des dialogues ou des chansons interprétée durant les auditions du film, tout passe de manière claire et fluide sur les enceintes. Pas le grand tralala, mais de la rigueur et à peine quelques pointes acides. Une bonne mono doublée à droite et à gauche.
8
10
bonus
- Préface de Luc Lagier, critique cinéma (6')
- Avant Taking Off : Milos Forman en route pour l'Amérique (30')
- Deux Européens à New York (16')
Trois compléments de tout premier ordre qui reviennent sur la formation de Milos Forman (qui avoue avoir bénéficié des meilleurs professeurs dans son école de scénariste, ces derniers étant mis aux arrêts des plateaux de tournage par leur gouvernement), son travail en Tchécoslovaquie alors en plein stalinisme, son sauvetage de la prison (il risquait dix ans fermes) par Claude Berri et François Truffaut, son arrivée au Festival de Cannes en plein Mai 68, son exil en France, puis aux États‑Unis. Soit la genèse du film vue par le cinéaste lui‑même, le critique cinéma Luc Lagier et Jean‑Claude Carrière, co‑auteur de Taking Off avec Milos Forman. Un retour étonnant sur le New York hippie et le Chelsea Hotel, alors que l'équipe devait plancher sur une adaptation de la comédie musicale Hair… Toute une époque.
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