Sur la route
Ce fut pendant longtemps l’un des serpents de mer de Hollywood : l’adaptation du roman‑fleuve, et jugé intransposable sur grand écran, de Jack Kerouac, Sur la route.
Manifeste de la génération Beatnik publié en 1954, le livre culte de Kerouac cale son pas sur celui de Sal Paradise (Sam Riley dans le film), un jeune écrivain new‑yorkais en pleine dépression (il vient de perdre son père) qui, un jour, rencontre Dean Moriarty (Garrett Hedlund, Tron), un ex‑taulard au charme ravageur marié à une jeune femme pour le moins libérée (Kristen Stewart). Tous les trois, ils vont parcourir les États‑Unis, et même le Mexique, à la recherche d’expériences limites et de rencontres explosives. De ce voyage aussi bien géographique qu’initiatique, Sal, double de Kerouac, tirera un livre écrit sur un gigantesque rouleau de plusieurs dizaines de mètres.
C’est Francis Ford Coppola qui, le premier, acquit les droits de Sur la route, espérant un jour le réaliser, avant de passer la main il y a quelques années à Walter Salles, cinéaste brésilien bien connu pour son goût du voyage et ses films de route (Central do Brasil, Terre lointaine, Carnets de voyage).
Le résultat décevra forcément les amateurs du livre et de la prose si particulière de Kerouac, mais aussi ceux du road‑movie, genre phare du cinéma américain des années 60 et 70 (de Easy Rider au Canardeur), lui‑même largement inspiré de Sur la route.
L’important n’est pas le but mais le mouvement, dit en substance Sal Paradise au milieu du film, soit la loi d’un genre qui a toujours confondu la découverte de soi et celle de l’espace. Mais Salles est un bien piètre cinéaste, incapable de retrouver l’énergie de la Beat Generation, l’expérience de la route et le souffle de cette quête existentielle qui caractérisaient les personnages du roman.
Le film bouge tout le temps, de l’Oregon au Mexique, mais dans le vide, en surface et sur fond permanent de couchers de soleil proprets qui résument bien ce qu’il est : un chromo sans âme et à peine sulfureux.