Straw Dogs
Scénariste à Hollywood, David Sumner (James Marsden) décide de s’isoler avec sa femme Amy, une jeune et jolie actrice (Kate Bosworth), dans la maison de famille de celle‑ci, située à Blackwater, Mississippi. Cela afin d’écrire son prochain script, sur la bataille de Stalingrad, et en profiter pour faire retaper le toit de la grange. Le couple engage quatre types du coin pour les travaux, dont Charlie (Alexander Skarsgård, True Blood, Melancholia), qui n’est autre que l’ex d’Amy. Peu à peu, la tension s’installe entre le couple et les locaux, aux mœurs radicalement opposées…
Il y avait fort à craindre d’un remake du film culte de Sam Peckinpah de 1971, à l’époque porté très haut par le jeune Dustin Hoffman. Pourquoi une relecture, si ce n’est pour américaniser l’histoire originelle et ainsi conquérir le marché nord‑américain (opération qui s’est malgré tout soldée par un échec en salles et une sortie en direct‑to‑video en France) ? Si une telle entreprise ne témoigne pas d’un regain de créativité scénaristique du côté de Hollywood, la démarche du réalisateur Rod Lurie, en revanche, ne manque pas d’intérêt.
Alors que l’original se déroulait en Cornouailles, au sud‑ouest de l’Angleterre, et que le personnage de Hoffman était un scientifique d’origine américaine, cette nouvelle mouture choisit de circonscrire son intrigue au territoire américain, mettant en opposition les deux visages sociologiques des USA. Ainsi, les « bouseux » anglais sont remplacés par les rednecks du Sud (ici le Mississippi, bien que le film ait été tourné en Louisiane) et le scientifique devient un séduisant scénariste hollywoodien.
Même si l’ensemble s’avère un peu trop stéréotypé, c’est donc la rivalité entre deux mondes au sein d’un même pays que choisit de dépeindre Rod Lurie : Démocrates contre Républicains, gens des côtes contre population du Deep South, athées contre fervents croyants, anti et pro guerre en Irak… C’est l’Amérique binaire que l’on voit ici s’entretuer, incapable de parvenir à des compromis car radicalement opposée dans sa conception de la vie ‑jusqu’au rôle de Dieu dans tous les événements du quotidien‑, irréfutable pour les Sudistes du film tandis que le héros tente de fuir l’obscurantisme ambiant.
Mais au‑delà de l’hostilité d’une communauté à l’égard de « l'étranger », c’est l’état de la féminité et de la masculinité que le film questionne, toujours à travers les deux milieux représentés à l’écran. Du côté des Sudistes, la femme reste un objet de convoitise à posséder (voir la scène de viol, toutefois moins crue et ambiguë que dans le film de 1971). Si sa position semble bien plus enviable auprès de son mari, certains traits du comportement de ce dernier trahissent son désir de modeler son épouse à sa guise.
L’exercice de la masculinité est donc le véritable propos du film : ici, le mâle supposé dominant (Alexander Skarsgård) fait preuve de violence, envers la femme qu’il désire, son rival masculin et le gibier qu’il chasse pour asseoir sa toute‑puissance, tandis que l’érudit (Marsden) ne cédera à la violence que pour défendre les valeurs auxquelles il croit (la défense de l’opprimé, la justice et non la loi du talion) et protéger celle qu’il aime. C’est en cela que Rod Lurie se démarque de Peckinpah : en se rangeant du côté de son héros, homme imparfait mais dont l’usage de la violence est à visée pacifiste, et non un acte pulsionnel.
Il en résulte un long métrage intéressant, jamais complaisant, mais un brin archétypal et difficilement comparable à son modèle, œuvre radicale dans sa forme comme dans son fond. Et dommage que Walton Goggins, l'inoubliable Shane Vendrell de The Shield, ne soit pas exploité à sa juste valeur.