Splice
Scientifiques stars auréolés du succès de la conception de deux créatures hybrides aux ADN d’animaux mêlés, Elsa et Clive (Sarah Polley et Adrien Brody), en couple au travail comme à la ville, se lancent en secret, et contre les décisions de leur laboratoire, dans la création d’un être à l’ADN mi‑animal mi‑humain. De cette fusion « naît » un petit être qu’ils baptisent Dren, créature féminine à la croissance ultrarapide. Ses premiers pas ne se font pas sans heurt. Mais c’est trop tard : les deux généticiens l’ont définitivement adoptée. De gré ou de force…
Aurait‑on trouvé le digne héritier du cinéma de David Cronenberg ? Un réalisateur capable de transcender le genre dans lequel il officie, n’en faisant pas une fin en soi mais bel et bien un médium au service de son histoire. Vincenzo Natali (l’acclamé Cube) pourrait bien prétendre à ce titre, puisqu’il signe avec Splice l’un des films fantastiques les plus surprenants et audacieux de ces dernières années, livrant par la même occasion une œuvre d’une modernité étourdissante.
Et ce n’est pas son sujet de surface, celui de la manipulation génétique et des problèmes éthiques qu’elle soulève, qui fait sa contemporanéité. Car Splice est avant tout un film sur la responsabilité, celle des scientifiques certes, mais surtout celle des adultes en général. Ici, le modèle parental est décortiqué avec brio, montrant un couple perturbé par le concept de l’enfantement. Lui en voudrait un, elle craint une déformation de son corps et un frein à son évolution professionnelle. C’est finalement elle qui décidera de passer à l’acte, contre les recommandations de son compagnon, profitant de cette facilité que lui offre la science.
Filmant les « naissances » des créatures de laboratoire comme de véritables accouchements (jusqu’à montrer Sarah Polley en train d’immortaliser la scène au caméscope familial), Vincenzo Natali propose au spectateur une métaphore habile du désir larvé de parentalité, entraînant de lourdes conséquences. Choisissant inconsciemment la procréation artificielle (rapide et indolore) aux « voies naturelles », Elsa et Clive vendent leur âme au Diable, parents d’un être mi‑ange mi‑démon qui ne cessera de chercher sa place parmi les hommes (mention spéciale à Delphine Chanéac, qui interprète Dren adulte), comme le fait la créature de Frankenstein dans le roman de Mary Shelley, pauvre hère que la solitude et l’abandon pousseront à faire le Mal.
Un drame fantastique introspectif, qui soulève une multitude de questions passionnantes, comme autant d’avertissements.