Spectre
Le cinéaste de l'intime et de la désillusion Sam Mendes revient à ses premières amours avec un Bond en plein doute, en proie aux douleurs du passé et désormais prêt à les assumer. Avant cela, décidé à contenter les consommateurs de blockbusters à la sauce Avenger, le réalisateur d'American Beauty et des Noces rebelles transforme 007 en Tony Stark survolté le temps d'une séquence d'ouverture bigger the life certes techniquement épatante (1 000 figurants, des mois de préparation…) mais qui survend totalement un film qui n'existe pas.
À partir de là, il y aura des déçus, beaucoup, adeptes du cinéma pop‑corn, et des surpris, touchant du doigt le rêve de retrouver la magie et le charme de Casino Royale (Martin Campbell, 2006) au cours duquel Bond vivait sa grande histoire d'amour avec la vénéneuse Vesper Lynd (Eva Green) et affrontait son meilleur ennemi, alias Le Chiffre (Mads Mikkelsen). Dès le générique d'ouverture, Sam Mendes convoque leurs esprits, véritable fil conducteur et moteur de ce nouvel opus qui vaut moins pour son histoire (Bond sur les traces d'une organisation tentaculaire et hyper‑connectée dénommée Spectre), que pour cette remise en cause des fondamentaux, gadgets high‑tech compris.
Désormais seul, lâché par sa hiérarchie le jugeant démodé et privé de ses jouets habituels (seul Q. daignera lui lâcher une Oméga bidouillée, pour le reste, il devra se débrouiller), c'est un Bond old fashioned en fuseau et col roulé moulant, renouant avec le carnet de voyage de la grande époque à travers les montagnes autrichiennes, les ruelles romaines et le désert marocain, qui va affronter les fantômes du passé et vivre avec Madeleine White (Léa Seydoux, le couple fonctionne à merveille) un escape game chic et vintage à bord d'une Rolls Royce et d'un train hors d'âge plutôt dignes d'Agatha Christie que de James Bond. Deux mondes qui s'affrontent mais déjà la fin de la parenthèse enchantée. Désormais devenu hacker, Q. incarne la victoire de la technologie sur l'homme. Aussi jamesbondien soit‑il.