Shining Girls
Kirby (Elisabeth Moss) est documentaliste pour un grand journal. La jeune femme avait un temps espéré devenir reporter mais, traumatisée par une sauvage agression, elle tente surtout de se reconstruire au jour le jour. Survient la découverte du corps d’une femme assassinée. L’affaire est suivie par Dan Velazquez (Wagner Moura), un solide envoyé spécial que Kirby se propose d’épauler. Pour une bonne raison : le modus operandi du tueur lui évoque irrésistiblement celui de son assaillant. Et peut‑être même un souvenir beaucoup plus lointain…
Un monde cauchemardesque sans cesse fluctuant
Cette série Apple+ est produite, jouée et même réalisée (un épisode) par Elisabeth Moss (Handmaid's Rale, Mad Men). Elle est adaptée d’un roman américain éponyme signé Lauren Beukes, paru en France sous le titre Les lumineuses.
Si la trame de Shining Girls a une allure classique, c'est pourtant son ambiance étrange, sorte d’élégance poisseuse, qui saisit d’emblée le spectateur. D’autant plus que le personnage interprété par Elisabeth Moss souffre manifestement d’un grave trouble de perception du réel qui l'épuise. Cette possible séquelle de la tentative de meurtre subie jadis par Kirby contraint la malheureuse à évoluer dans un monde cauchemardesque sans cesse fluctuant. Kirby croit avoir un chien, qui s’avère soudainement un chat. Son bureau, niché depuis longtemps dans un coin de la documentation, change d’un coup de place. Après un battement de cils, Kirby se découvre mariée depuis des années à un photographe (Chris Chalk), un homme qu’elle ne connaissait pourtant que de vue une fraction de seconde auparavant.
Une série qui déroute et attire
En immergeant le spectateur dans la perception fracturée de l’héroïne, Shining Girls déroute beaucoup. Et prend le temps de tisser de multiples énigmes qui, d'épisode en épisode, s'épaississent. On ne pourra hélas pas plus avancer dans l’intrigue au risque de spoilers majeurs, simplement souligner qu’elle va endosser une tonalité assez inattendue.
Malgré cette perturbante et originale ambiance d'incertitude, Shining Girls se révèle au finish un peu frustrante. Parce que si la psyché disloquée de l’héroïne, sa quête existentielle de justice et de sens sont bien dépeintes, si l’ensemble des comédiens ‑avant tout Elisabeth Moss et Wagner Moura (Narcos)‑ s’avère parfait, c’est au niveau de l’écriture que la série vacille. L’antagoniste de Kirby, campé par Jamie Bell, personnage dont la présence flippante imprègne tout le récit, souffre en effet d’un défaut majeur avec des motivations profondes floues et des crimes tordus peu expliqués. Ce, même si un épisode entier est consacré au personnage et si un mince surcroît d’explication psychologique est donné très tardivement.
Au final, l'absence de pièces importantes dans le puzzle proposé par Shining Girls suscite des frustrations. La chose est d’autant plus regrettable que la série ‑fascinante mise en image d’un réel vécu par une victime traumatisée‑ s’offre de surcroît une fin de qualité, aussi déconcertante que parée d’une grande richesse émotionnelle et psychologique.