Saint Jack
Singapour, dans les années 70. Patron d’une maison close, Jack Flowers (Ben Gazzara, « le Magnifique » comme le titre français du film le qualifie) vit merveilleusement bien son exil loin des États‑Unis. Il se lie d’amitié avec William Leigh (Denholm Elliott), un comptable britannique de Hong Kong dont la vie parfaitement rangée tranche avec la sienne. D’autre part, la pègre chinoise locale tente de mettre un terme à son florissant business…
Réalisé en 1979, l’un des films préférés de Bogdanovich (La dernière séance) ouvre une parenthèse postcoloniale mâtinée d’exotisme nostalgique. Filmé en décors naturels (la photographie de Robby Müller est éblouissante), le film brasse plus large qu’une simple étude de mœurs autour des prostituées que Jack marchande à des soldats américains de passage (« People make love for so many crazy reasons, why shouldn’t money be one of them ? », déclare‑t‑il), il trace en finesse le cheminement moral d’un drôle de « saint ».
Chemise bariolée et cigare au bec, Jack semble en effet se jouer de son propre rôle de maquereau déclassé, en outre, le fait de troquer une issue rédemptrice contre un chantage pourtant fructueux l’élève et le rive à la fois aux ruelles grouillantes de ce pays (la séquence finale est inoubliable) qu’il ne quittera finalement jamais.