Royal Orchestra
L'idée était pourtant belle. Suivre l'Orchestre Royal du Concertgebouw, mythique ensemble venu d'Amsterdam, au cours d'une grande série de concerts donnés à travers le monde pour son 125e anniversaire. Malheureusement, de ce riche magma d'artistes battant le même tempo, Heddy Honigmann ne tire avec son documentaire Royal Orchestra qu'un pot‑pourri de séquences disparates, rassemblées en vrac avec un manque certain de vision. Le montage se veut pourtant serré et programmatique pendant ses 90 minutes, quitte à en devenir répétitif.
Se focalisant sur seulement trois dates précises dans les villes de Buenos Aires, Soweto et Saint‑Petersbourg, la documentariste donne à chaque fois la parole à un des musiciens de l'orchestre puis à un spectateur sur place. Une façon de réunir artistes et mélomanes sous le prisme d'une passion commune et intime de la grande musique. Des témoignages parfois drôles (le percussionniste chargé de jouer un seul coup de cymbale dans une symphonie d'une heure), parfois touchants (ce vieil homme russe racontant ses années dans les camps hitlériens et staliniens), mais dont la succession mécanique condamne le film à survoler tout ce qui l'intéresse avec une superficialité naïve. Et ce ne sont pas les moments de la vie courante de nos artistes en goguette qui relèvent le niveau (avions, hôtels, restaurants, coups de téléphone à la famille : l'ennui tranquille des voyages professionnels comme si vous y étiez).
À vouloir faire ressortir l'humain du groupe, Honigmann passe totalement à côté de son sujet pour nous offrir d'aimables platitudes entrecoupées d'extraits de concerts, superbement interprétés mais filmés sans grâce. De la vie quotidienne au sein d'un tel ensemble ou des mécaniques internes qui peuvent régir une telle famille, nous n'apprendrons rien ici. Pas plus que nous n'observerons les impératifs de rigueur et d'exigence que nécessite l'appartenance à une telle institution de la musique classique.
Filmé comme une bande de touristes en voyage organisé, l'Orchestre Royal reste une foule floue à laquelle le documentaire semble ne s'intéresser que superficiellement, de loin, pour illustrer vaguement ce grand spot à la gloire de la musique classique qui pourrait presque être sponsorisé par Deutsche Gramophone. Il aurait fallu le regard affûté d'un Frederick Wiseman (At Berkeley) pour savoir tirer quelque chose d'un si beau sujet et venir interroger la bête curieuse à cent têtes que peut être un orchestre symphonique. Hélas, plutôt que la fascinante étude d'un tout, Honigmann préfère s'attarder sur des fragments qui ne valent pas grand‑chose.