Ronnie Wood : Somebody Up There Likes Me
Si l’histoire du rock comporte son lot d’idoles et de vedettes qui tirent vers eux toute l’attention des projecteurs, elle est également parcourue de seconds rôles qui ont toujours été là, dans le fond, formant une masse de visages familiers. Pionniers ? Révolutionnaires ? Non, simplement de bons musiciens qui ont taillé leur route au fil des ans. Ronnie Wood est de ceux‑là.
Trogne souriante, clope au bec
Ayant enchaîné les formations entre les années 60 et 70, partant des Birds (sans y !) jusqu’au Jeff Beck Group puis les Faces, il est depuis évidemment attaché aux Rolling Stones qu’il a rejoints en 1974 en qualité de deuxième guitariste face à Keith Richards. Un poste qu’il occupe depuis si longtemps qu'on parviendrait presque à l'oublier. Il est pourtant arrivé avec sa trogne souriante et sa clope au bec après l’âge d’or des Stones (on peut le compter au casting d’un seul album classique du groupe, Some Girls en 1978) et les a toujours accompagnés tout au long des innombrables tournées mondiales. Une carrière tranquille, gorgée de rock et de blues, qui est l’objet pour la première fois d’un documentaire intitulé Ronnie Wood : Somebody Up There Likes Me, mis en boîte par le réalisateur anglais Mike Figgis (Leaving Las Vegas).
Une autre histoire
Pourtant, la musique semble presque être une anecdote tout au long de ce court film d’à peine 70 minutes. Comme si l’histoire à raconter n’était pas vraiment celle d’un musicien et sa place dans un quelconque panthéon du rock. Ses premiers groupes ? Expédiés en quelques instants. Sa relation avec Jeff Beck (absent des nombreuses interviews) ou Rod Stewart : des broutilles. Ses albums solo ? No comment. Sa place dans les Rolling Stones après tout de même 45 ans au line‑up ? Quelques phrases enthousiastes de Jagger et Richards qui complimentent plus l’homme que le guitariste. Ici, on ne parle pas d’albums, de compositions, à peine a‑t‑on le droit de voir Ronnie Wood jouer de la musique, avec quelques petits enregistrements acoustiques dans son studio, jouant de l’harmonica ou un peu de guitare (dans une version dépouillée de son beau Ooh La La, composé pour Faces en 1973).
Les addictions
Non, ce qui intéresse Mike Figgis ici, c’est Ronnie Wood lui‑même. En ouverture du documentaire, on voit le réalisateur (souvent présent à l’écran durant les entretiens) discuter avec son sujet du cancer du poumon qui a touché Wood en 2017 et qui a nécessité une ablation (« Le docteur m’a dit que, grâce à l’opération, c’était comme si je n’avais pas fumé », rigole‑t‑il). Une bonne ouverture vers le vrai sujet du documentaire : comment vieillir après des années d’addictions, de drogues, d’alcool ? Comment trouver calme et austérité après une vie aussi débridée ? Pour Ronnie Wood, ayant connu des périodes d’excès parfois difficiles sur lesquelles il revient sans fard, il a fallu passer par une bonne demi‑douzaine de cures de désintox, mais aussi par la peinture. Un autre art que Figgis filme avec autant d’intérêt que le rock tout au long du documentaire, montrant Wood dans son studio, travaillant sur ses toiles, tantôt abstraites, tantôt figuratives, avec sérieux et concentration.
Somebody Up There Likes Me est aussi l’occasion pour le musicien, désormais complètement sobre, de jeter un regard en arrière sur ses choix personnels, dressant le portrait d’un homme plein de vie, toujours en quête de plaisir, même avec la modération dont il fait preuve aujourd’hui. Le résultat est un beau moment avec un type dont la biographie telle qu’elle est écrite ici semble plus retenir la gentillesse et l’enthousiasme que de quelconques prouesses musicales. C’est aussi une belle façon de marquer l’Histoire.