Ripley
Après Alain Delon et Matt Damon, c’est l’acteur irlandais Andrew Scott (Fleabag, Sans jamais nous connaître) qui prête son charme vénéneux à Ripley, célèbre escroc du roman de Patricia Highsmith, dans la mini‑série du même nom écrite et réalisée par Steven Zaillian (The Irishman, The Night of). Le résultat est époustouflant.
New York, 1961. À la radio, la voix envoûtante de Roy Orbison nous avertit, « the Great Pretender » n’est autre que cet homme solitaire qui habite un appartement misérable et vivote de petites escroqueries. Une vie de galère qui prend un tournant inespéré lorsqu’un riche industriel le charge de convaincre son fils Richard Greenleaf « Dickie » de mettre un terme à une existence bohème en Italie et de rentrer à la maison. Une fois débarqué à Atrani (magnifique petit village de pêcheurs de la côte amalfitaine qui ne tardera certainement pas à devenir un lieu de pèlerinage), Tom Ripley prend goût à la Dolce Vita aux côtés de Dickie (Johnny Flynn) et de sa petite amie Marge (Dakota Fanning)… Au point de s’approprier l’identité de son hôte.
La part de l'ombre
« J’ai senti que cette intrigue ‑celle qu’elle (Patricia Highsmith) racontait, celle que j’avais envie d’explorer‑ était assez sinistre et sombre. Je ne pouvais m’imaginer l’inscrire dans un décor italien magnifique avec ses ciels bleus éclatants, ses tenues colorées et toutes ces choses‑là », confie Zaillian dans une interview pour IndieWire. Sublimée par l’extraordinaire photographie en noir et blanc de Robert Elswit (Bob Marley : One love, There Will be Blood), la série convoque autant l’esthétique du film noir que la peinture du Caravage, maître du clair‑obscur. La part d’ombre de l’artiste de génie infusera d’ailleurs le récit de cette cavale meurtrière étirée sur 8 épisodes. « Vous ne lisez pas un roman en 2 heures (…) cela prend 8, 10, 12 heures, et j’ai senti que le rythme et la beauté propres à la narration du livre m’incitaient à adopter cette forme ».
Un Ripley minéral et fascinant
Du sud de l’Italie jusqu’à Rome, de la Sicile secrète à la Sérénissime, les innombrables fuites de Ripley lui permettent à peine de savourer l’opulence de sa victime, comme si cette vie volée exigeait une rançon à son tour. Dans l’œil voyeur de la caméra, le temps laborieux du crime compte davantage que la récompense et un détail a priori anodin (des papiers oubliés dans une poche, le moteur d’un bateau qui s’emballe, une tache de sang dans la baignoire) peut engendrer des situations absurdes et ironiquement répétitives. Il fallait oser la longue et incroyable séquence nocturne d’aller‑retour qui suit le meurtre de Freddie Miles (Eliot Sumner, la fille de Sting). Encore que, sous le regard mutique des statues romaines ou intrigué de Lucio, le chat observateur de la logeuse Signorina Buffi (Margherita Buy), Ripley, imposteur ambigu, minéral et fascinant qui se cherche (et se perd) sans cesse dans un miroir, leur confesse finalement sa part de vulnérabilité. Monumental.