Rien que pour vos cheveux
Il est véloce, invincible et sévèrement burné. Insensible à la douleur et aux lois de la gravité, Adam Sandler est Zohan, star du Mossad et machine de guerre israélienne. En face, le « Phantom » (John Turturro), son ennemi de toujours et du Hezbollah, version malingre de Rambo traumatisé par les films de kung-fu.
Première séquence du film, peut-être la plus inventive, où Dennis Dugan et Adam Sandler parodient en accéléré le James Bond Movie et son hyper-machisme. Mais Zohan possède une faille, l’amour des cheveux et du style « smooth » des Eighties, et rêve secrètement de devenir coiffeur. Profitant d’une énième mission de nettoyage, ce Superman circoncis feint de mourir et s’envole pour New York dans la peau d’un Australo-Tibétin flanqué d’une chemise Miami. Direction le siège de son idole, Paul Mitchell, le Hugh Heffner du cheveu. Une poignée de refus plus tard, Zohan, devenu entre-temps Coco Scrappy, est embauché dans un petit salon de coiffure palestinien où sa personnalité de Chippendale libidineux fait fureur auprès de la clientèle vermeille.
Satire foutraque oblige, Rien que pour vos cheveux tente de combiner l’esprit potache et parfois lourdingue des ZAZ (Y'a-il un pilote dans l’avion ?), le comique volubile des Marx (le duo Sandler/Turturro fonctionne à merveille), le délire autiste d’un Jerry Lewis et le ton irrévérencieux des créateurs de South Park et Team America World Police. Le délire sécuritaire, la guerre en Irak, la paranoïa ambiante, les groupuscules catho-droitiers fans de Mel Gibson, les vendeurs (tous Juifs) de matériel électronique et les Palestiniens, chauffeurs de taxi le jour et branchés sur la permanence téléphonique du Hezbollah le soir (meilleure idée du film), tout y passe.
Confortable, cool et sans tabous, Rien que pour cheveux peine pourtant à sortir de cette petite musique satirique propre à la comédie US. Exportés à New York, les enjeux de la guerre se dissolvent, perdent de leur virulence et donc de leur singularité. Le cinéma américain adore les guerres de territoires et les conflits politiques reconvertis en problèmes de voisinage. Une rue, deux clans et une question : quelle étincelle mettra le feu aux poudres ? Sharks et Jets dans West Side Story, Noirs et Latinos dans Do the Right Thing, Israéliens et Palestiniens ici, qui depuis leurs échoppes respectives, se traitent de poseurs de bombes.
Dans la seconde partie du film, Dennis Dugan et Adam Sandler se recentrent sur les fondamentaux du genre et transforment le conflit d’origine en conflit générique tendu vers l’horizon capraesque d’une grande réconciliation politico-amoureuse. Après tout, dans cette petite rue commerçante, à des milliers de kilomètres de chez eux et de la réalité concrète du Proche-Orient, Juifs et Palestiniens se ressemblent et possèdent un ennemi commun : une bande de néo-nazillons qui justifiera l’alliance rêvée de Zohan et du Fantôme. Tranquillement, le film s’achève sur cette loi un peu décevante de la balle au centre, adoptant ainsi la vision de l’Américain moyen -tous des Arabes- venus vivre le rêve capitaliste et forcément pacificateur d’un centre commercial israélo-palestinien.