Revoir Paris
Par une soirée d’automne pluvieuse à Paris, Mia décide de s’arrêter dans un café pour passer le temps. Quelques instants plus tard, un groupe de terroristes entrent pour y déverser la mort. Survivante traumatisée, Mia essaie alors de se reconstruire, mais surtout de se souvenir de ce qui a pu se passer, elle qui a tout oublié.
C’est un sujet difficile qu’Alice Winocour (Maryland, Augustine) a voulu traiter pour son quatrième long métrage. Comment parler de cette nuit‑là, des attentats du 13 novembre 2015, en venant se placer avec justesse du côté des victimes, de ceux qui sont restés, de ceux qui ont vu une partie d’eux se briser à jamais avec violence ? Comment éviter le pathos ou le voyeurisme pour se concentrer sur le traumatisme et l’impossible épreuve pour les survivants de continuer à vivre ?
Mettre de la lumière sur le sombre
S’inspirant de son histoire personnelle, son propre frère étant présent au Bataclan ce soir‑là, Winocour fait le choix de filmer un parcours intime autour de la mémoire et d’une recherche de connexion avec l’autre. Récompensée fort justement du César de la Meilleure actrice en février dernier, Virginie Efira est la clé de voûte du film, brillante dans la façon dont elle arrive à traduire la confusion atone et la grande fragilité de Mia. Tiraillée par la peur d’avoir peut‑être agi égoïstement dans la panique, son personnage mène une quête douloureuse pour mettre de la lumière sur le moment le plus sombre de sa vie, refusant l’oubli et voulant retrouver ceux qui ont pu l’aider. C’est dans cette manière d’aller vers l’autre pour se retrouver soi‑même, de panser ses plaies aux côtés d’autres blessés, que le film tire ses plus beaux moments, comme dans ces séquences dans lesquelles Mia revient sur les lieux du drame et échange avec les survivants. Le film ne refuse pas la colère ou l’incompréhension, montrant aussi le désarroi de proches qui ne pourront jamais comprendre ce qu'il s’est passé pour ceux qui étaient là, dessinant une galerie touchante de personnages secondaires.
L'horizon d'un espoir
Dommage cependant que le film se contente d’une mise en scène si sobre et un peu scolaire. Si la séquence de l’attaque est glaçante par son réalisme ‑l’épouvantable silence assourdissant entre les balles‑, le reste du film est beaucoup moins viscéral, suivant son chemin de manière un peu trop mécanique, nous révélant progressivement l’histoire de Mia dans un rythme d’enquête qui manque un peu d’ambition.
Pour un film sur la mémoire, Revoir Paris utilise le flashback de manière assez banale et n’arrive pas tout à fait à nous faire ressentir la brume mentale où se noie son héroïne. On pourra également regretter l’évolution de la relation de Mia avec le personnage de Thomas, victime que l’attentat a laissé en fauteuil roulant, et interprété avec bagout par Benoît Magimel (césarisé lui aussi récemment pour Pacifiction) : pas sûr qu’il était nécessaire d’ajouter de la romance et des imbroglios avec sa femme alors que la simple rencontre entre ces deux âmes blessées se suffisait à elle‑même.
Mais malgré ces imperfections, on sort de Revoir Paris en ressentant une vraie douceur, quand la quête de Mia se termine par un sourire au pied de la Tour Eiffel. C'est vers la lumière que le film nous amène lentement, avec courage et délicatesse. Pas d'oubli, mais l'horizon d'un espoir.