Restless
Dans Restless, la mort est partout, au point d’en devenir une question de vie. Après la disparition accidentelle de ses parents, le jeune Enoch Brae (Henry Hooper, fils de Dennis) envisage les funérailles d’illustres inconnus comme des événements à ne pas manquer. Un exutoire fantasque, un peu morbide, pour contrer non sans ironie la perte douloureuse de sa famille.
Lors d’une de ses escapades railleuses, il fait la connaissance d’Annabel (Mia Wasikowska), adolescente plutôt garçonne qu’une tumeur au cerveau condamne à trois mois de sursis. Ensemble, ils vivent une romance accélérée qui semble ignorer l’implacable fatalité qui guette la jeune femme. Leurs univers et leurs secrets respectifs se déploient au rythme des théories de Darwin (naturaliste adulé par la petite cancéreuse), de promenades candides dans les bois ou les cimetières, de confidences extravagantes à propos d’un fantôme japonais, ancien pilote kamikaze et Gemini fantasmatique d’Enoch.
Cette apparente insouciance recèle pourtant une fascination obsessionnelle pour la mort qui contamine peu à peu l’entourage des deux amants. À commencer par leur peau diaphane et le sort éphémère de leur union. Ou encore ce premier rendez‑vous galant à la morgue, la tombe des défunts parents pour faire les présentations ou la célébration d’Halloween, où l’on retrouve Enoch vêtu en tenue d’aviateur (réplique plus morte que vivante de son compagnon nippon), et la livide Annabel déguisée en geisha.
À travers ce film mineur (présenté au Festival de Cannes en 2011), Gus Van Sant renoue avec son thème de prédilection : la jeunesse confrontée à la mort. Confinée dans une bulle cotonneuse, l’agonie joyeuse d’Annabel tempère la rage sourde d’Enoch, l’orphelin. Leur résignation tout en pudeur change la tragédie attendue en une rêverie bénigne, édulcorée par des ballades folk et une banlieue automnale prise dans l’apesanteur. Le cinéaste pérennise aussi bien les derniers souffles d’Annabel que les premiers émois de deux anges foudroyés.