Résiste
L'histoire de la comédie musicale Résiste pourrait se résumer en une phrase : France Gall est allée voir Mamma Mia! et s'est dit qu'elle pourrait faire exactement la même chose avec les morceaux de Michel Berger. Si le pari a été gagnant commercialement, avec plus de 350 000 spectateurs le long d'une tournée de quatorze mois, difficile d'en dire autant artistiquement tant Résiste traîne derrière lui les grandes plaies de la comédie musicale moderne : une écriture paresseuse, des dialogues sortis d'une sitcom des années 90 et un manque criant d'inventivité et d'audace.
Dommage car l'essentiel est pourtant là : même si les années ont parfois vieilli leurs paroles et leurs pianos bavards, les chansons de Michel Berger restent des petites perles d'une pop Seventies aux mélodies aussi sucrées que futées. La groupie du pianiste, Si maman si ou La déclaration d'amour sont autant d'indémodables de la chanson française, immédiatement reconnaissables par leur phrasé syncopé et leurs refrains entêtants, même quarante ans plus tard. C'est donc avec un vrai plaisir que l'on parcourt les discographies communes de France Gall et Michel Berger le long de ce musical, entre tubes rugissants (Il jouait du piano debout) et titres plus méconnus (Angelina Dumas). D'autant que les morceaux, joués par un groupe live avec un certain panache, sont plutôt fidèlement repris par les interprètes, malgré une tendance générale à singer les tics de voix de Michel Berger. Mention spéciale pour Gwendal Marimoutou et Corentine Collier, très bons tous les deux et volant la vedette aux têtes d'affiche.
Mais le problème vient de tout le reste, de tout ce qui, péniblement, tente de lier les chansons entre elles. Le long de ses interminables 150 minutes, Résiste veut nous passionner avec son intrigue digne d'un roman de gare : un night‑club familial qui risque de fermer ses portes, une jeune serveuse qui va connaître l'amour avec le nouveau pianiste mystérieux, des personnages secondaires à usage unique. Sûr, on ne s'attendait pas à un livret qui pourrait entrer à La Pléiade, mais la fadeur de l'intrigue et ses rebondissements mous pèsent tout du long de Résiste sans jamais nous offrir le moindre vent de fraîcheur. Et c'est sans parler de l'intégralité des dialogues, embarrassants au possible, joués avec la subtilité d'un spectacle de fin d'année de collégiens, particulièrement dans les moments de comédie (pénible trio de Princes des villes et leur humour au ras des pâquerettes). Un vide scénaristique que la comédie musicale elle‑même peine à combler, enchaînant les morceaux dans son troisième acte comme pour avouer un instant son véritable projet : une machine à faire découvrir et redécouvrir la musique de Michel Berger, principalement à l'intention des jeunes générations.
Et ce n'est pas comme si le spectacle remontait le niveau : rarement mises en valeur par la réalisation du DVD qui préfère les plans très serrés sur les chanteurs, les chorégraphies et la mise en scène semblent brouillonnes et maladroites, particulièrement dans un final d'une laideur assez intenable avec projections cheap et danseurs hip‑hop désynchronisés. Le reste du temps, le décor du club semble étriqué, limité, sans qu'aucune inventivité ne vienne faire pétiller nos pupilles. On s'y ennuie tranquillement en attendant le prochain morceau. Car que nous reste‑t‑il de Résiste une fois le rideau tombé ? Rien que nous n'avions déjà : le talent de Michel Berger qui, malgré tout, résiste et prouve qu'il existe.