Qu'un seul tienne et les autres suivront
Un : Zohra (Farida Rahouadj, tout en retenue), mère de famille algérienne, fait le deuil de son fils, assassiné en France. Elle part pour l’Hexagone afin de comprendre les motivations du meurtrier, et se rapproche de la sœur de ce dernier pour pouvoir le rencontrer au parloir.
Deux : Stéphane (le brillant Reda Kateb, vu dans Un prophète), en situation financière, familiale et amoureuse précaire, se voit proposer un deal : il recevra une grosse somme d’argent, à condition qu’il accepte de prendre la place d’un prisonnier dont il est le sosie, lors d’une visite au parloir.
Trois : Laure (la révélation Pauline Étienne), adolescente passionnée par le foot, s’amourache d’un jeune rebelle utopiste, incarcéré pour violences contre les forces de l’ordre. Elle cherche alors un adulte pour l’accompagner lors des visites au parloir.
Pour son premier long métrage, sélectionné à la Mostra de Venise et récompensé en 2009 par le prix Michel d’Ornano au Festival de Deauville, la jeune réalisatrice Léa Fehner décide d’aborder les prisons françaises par le prisme des parloirs, univers qu’elle maîtrise parfaitement puisqu’elle a été elle-même visiteuse de prison. Cette zone frontalière, sorte d’antichambre entre le monde des vivants et celui des emmurés, est ici le dénominateur commun des trois destins que l’on suit en parallèle. Dans ce film choral à la trame inhabituelle (aucun des personnages ne se rencontre), chacun devra passer par la case parloir, tôt ou tard, pour évoluer, dans le bon ou le mauvais sens du terme. Car ici, même ceux qui sont dehors subissent les dommages collatéraux de l’enfermement.
Direction d’acteur au diapason, comédiens aux gueules taillées pour leur rôle, scénario très structuré et mise en scène naturaliste, Léa Fehner fait de son essai un petit coup de maître, même si dans ce type de procédé narratif, certains personnages peuvent manquer de profondeur. Un premier film brut de décoffrage qui dresse un constat saisissant de notre société, de ses marginaux et de la liberté parfois illusoire qu’elle semble garantir.