Qu'est-ce qu'on a fait au bon Dieu ?
« Mais qu'est‑ce qu'on a fait au bon Dieu ? », lance la bourgeoise fantasque Marie Verneuil à son époux après avoir rencontré son gendre d'origine africaine. Réponse de son notaire de mari, dépité : « Je ne sais pas Marie, je ne sais pas, je suis dans le schwarz, je suis dans le schwarz… ».
Il fallait toute la maîtrise de Christian Clavier pour faire de cette simple réplique un hit qui restera sans doute dans les mémoires. L'équivalent du « Mais il est noir, noir ? » de Muriel Robin quelques années plus tôt. Brillant, Christian Clavier n'en fait jamais trop, s'engage de tout son corps dans ce rôle de beau‑père de la haute face à l'impensable : marier coup sur coup ses filles à un Arabe, un Juif, un Chinois et un Noir. Son éternelle jambe raide dit d'ailleurs tout de ce personnage en plein doute, arc‑bouté au plus profond de son être sur ses croyances, alors que le chemin vers l'inconnu (« l'autre ») sera plus évident pour son pendant féminin (Chantal Lauby, excellente également).
Face aux patrons du film, une bande de jeunes comédiens visiblement ravis de s'envoyer à la figure des volées de bois vert. Car soyons clairs, ce film réussit le pari d'égratigner tout le monde sans blesser personne, une véritable prouesse à l'heure des discours policés et du politiquement correct. Et sans doute la clé de son succès, avec 10 millions de spectateurs en salles.
On ne peut toutefois pas s'empêcher de penser à ce qu'aurait pu être le film avec ce petit grain de folie en plus, que l'on touche pourtant du doigt lors de la scène du chant à l'Église. Doté d'une mise en scène trop sage dans l'optique évidente de faire consensus, le film pêche aussi par un manque de rythme et de mouvement au sein même du cadre, qualités pourtant exigées dans l'art de la vanne millimétrée au cinéma. Un regret qui ne nous quitte jamais. Tout comme le sourire. Et c'est le plus important.