Promised Land
Sorti aux États‑Unis en décembre 2012, en pleine course aux Oscars, Promised Land fut un échec critique et public cuisant. Pas assez Erin Brokovich pour les uns, insuffisamment personnel pour les amateurs de Gus Van Sant, le film fut accueilli d’une sévère douche froide, aux antipodes du succès de Will Hunting, du même Van Sant, avec lequel ses auteurs espéraient renouer.
Deux cadres d’une importante compagnie de gaz ‑Matt Damon et Frances McDormand‑ sillonnent les campagnes de Pennsylvanie afin de vendre à ses autochtones, frappés par la crise, des contrats juteux en échange de l’exploitation de leur sol. L’affaire semble pliée ‑quel autre choix pour ces paysans à bout de souffle que d’autoriser l’exploitation de leur terre autrefois promise ?‑ mais un trublion écologiste débarque et, brandissant la menace du gaz de schiste, rebat toutes les cartes. Celles des paysans bien sûr qui, pour certains d’entre eux, retrouvent soudainement le sens pionnier d’une terre inviolable façon Les raisins de la colère. Mais aussi celles de Krasinski, le commercial idéaliste interprété par Matt Damon, qui finit par ne plus savoir ce qu’il vend, pourquoi et pour qui.
L’idée est en soi assez belle mais n’échappe pas à une forme de niaiserie que joue à merveille Damon et qui ‑soyons justes‑ a toujours irrigué le cinéma de Gus Van Sant, de À la rencontre de Forrester (vieux et jeunes ont à apprendre les uns des autres) à Elephant (un peu plus de tendresse dans ce monde de brutes aurait peut‑être permis d’éviter la tuerie de Littletown).
À son tour, Krasinski redécouvre quelques lunes politiques, la beauté des paysages de l’Americana et beaucoup d’eau tiède : le capitalisme et l’éthique ne font pas bon ménage (ce que tente de lui expliquer sa collègue, froide comme un concombre), le système produit toujours en contrechamp de lui‑même son propre contre‑pouvoir (Baudrillard pour les nuls), etc.
Promised Land débute donc comme un film dossier classique, avec enjeux clairs, bad guys et lignes morales définies, se dégonfle et s’achève en plein milieu d’une zone grise, marécageuse, volontairement floue, où tous les repères initiaux ont vacillé, les convictions aussi, à force de rebondissements narratifs qui disent aussi bien la genèse erratique d’un film peu sûr de son port d’arrivée que la métamorphose imperceptible d’un projet parti du point Soderbergh ‑cinéaste lui aussi coutumier des grands écarts entre cinéma indé et films mainstream, et qui fut même pressenti pour réaliser Promised Land‑ pour atteindre, mais un peu tard, celui du réalisateur de Last Days et Elephant.
Quel est ce point ? Disons qu’il s’agit d’une vision plutôt bouddhiste des choses qui substitue à la compréhension intellectuelle des événements (le film dossier : qui sont les bons ? Les méchants ? Qui a raison ? Qui a tort ?) une approche spirituelle où chacun fait l’expérience de sa libération, de son éveil et de sa juste place dans le monde.