Prince and The Revolution Live
C’était une page manquante dans l’histoire de Prince. Si le caméléon funk avait marqué la pop entre 1984 et 1986 avec son groupe The Revolution en signant avec lui son mythique Purple Rain (et un film du même nom, délicieusement 80’s), les concerts donnés par cette formation n’avaient jusqu’ici jamais fait l’objet d’une sortie digne de ce nom.
Un concert sorti des archives
Pourtant, le 30 mars 1985, le groupe avait été filmé à Syracuse, au New York’s Carrier Dome. Le groupe était alors encore au beau milieu de sa tournée Purple Rain et allait sortir quelques semaines plus tard son album suivant, Around the World In a Day. Et si ce concert avait été retransmis en direct en satellite pour le public européen à l’époque, avant de paraître dans des éditions VHS et laserdisc, il avait ensuite été enterré dans les archives pléthoriques du musicien. La réédition de Prince and the Revolution Live, parue début juin 2022 en vinyle et dans un combo CD/Blu‑Ray, est donc un événement et permet de revivre l’énergie dantesque que Prince et son groupe déployaient alors sur scène, au sommet de leur art.
Un pur show
Car ce live à Syracuse n’attend pas une seconde avant de captiver le public. Sortant du sol dans la pénombre, Prince n’a que quelques mots à murmurer au public avant de se lancer dans une version percutante de Let’s Get Crazy, dont le titre sonne tout entier comme un programme. Prince lance quelques solos enflammés puis lâche sa guitare négligemment pour danser. Après un an de tournée, le groupe est alors une machine à groove que rien n’arrête : Wendy Melvoin s’active à la guitare rythmique, Brownmark enchaîne les lignes de basses slappées avec énergie, tandis que les deux claviers viennent apporter aux morceaux leur étonnant cachet d’époque. Costumes en cascade (Prince semble se changer en permanence), scénographie aux couleurs vives et aux accessoires farfelus (dont une rampe de pompier que Prince utilise plus d'une fois), quelques danseurs au moment du rappel pour des chorégraphies qui débordent de cool. Il s’agit bien de vivre une expérience totale, un pur show.
Entre les morceaux, on trouve ainsi quelques longues transitions narratives, tantôt rêveries au synthétiseur dans la pénombre, tantôt moments privilégiés entre Prince et son public. Titillant ses fans, Prince se déhanche pour eux, fait monter la tension, demande « does your man has an ass like mine ? » en révélant la transparence explicite de ses collants. Un spectacle qui joue la démesure mais toujours sous contrôle. De quoi faire de ces deux heures de concert un moment entier, sans temps mort entre deux tubes.
Nouveau mixage tout en équilibre
Et côté setlist, tous les essentiels sont là. On trouve ainsi tous les plus grands morceaux de 1999 et Purple Rain (Computer Blue, Darling Nikki, When Doves Cry) accompagnés de quelques titres plus rares. On peut souligner le travail réalisé sur le mixage dans le cadre de la réédition de ce concert : le groupe est parfaitement équilibré, laissant entendre chaque membre tout en retranscrivant une énergie live incendiaire qui évoque parfois celle de James Brown. Transformant le Carrier Dome en piste de danse, le groupe n’hésite pas à étirer les morceaux pour l’occasion, avec près de 11 minutes au compteur pour Baby I’m a Star, et surtout, en grand final, une version de 19 minutes de Purple Rain s’achevant, évidemment, par un solo de guitare virtuose qui n'en finit pas.
Une captation d'époque
Pourtant, malgré la qualité de l’interprétation, le plaisir de ce live est un peu douché par la captation. Si elle a été apparemment restaurée à partir des bandes NTSC (nous sommes, malgré tout, en 1985), l’image reste d’une qualité franchement médiocre, même au format Blu‑Ray. Le grain de l’image rend les plans d’ensemble assez flous, avec une absence de détail particulièrement préjudiciable dans les séquences de transition et de narration, souvent très peu éclairées. On se retrouve alors à regarder un écran quasiment noir avec quelques points lumineux non identifiés pour seuls repères pendant de longues minutes.
La maladresse de la réalisation n’aide pas non plus : montage continuellement brouillon, caméra désespérément fixe à 100 m de la scène ou ayant a contrario la bougeotte inutilement, effets vidéo ringards (dont une symétrie horizontale sur tout un morceau qui rend l’action sur scène absolument incompréhensible). Pas de quoi gâcher le visionnage, mais de quoi regretter que Prince dans son âge d'or n’ait pas pu être capté avec un peu plus de soin et d’inventivité.
Ce qui met finalement ce combo CD/Blu‑Ray dans une drôle de position : trop entrecoupé de passages narratifs longuets pour passionner en audio, mais victime d’une technique particulièrement boiteuse en vidéo. Tout cela restera cependant un point de détail pour les fans de Prince. Et on peut les comprendre : avec une telle setlist, peu importe l'image tant que le son est là.