Poly
Dans les années 60, Cécile (Élisa de Lambert), 10 ans, déménage dans le sud de la France avec Louise (Julie Gayet), sa mère fraîchement divorcée. Elle peine à s’intégrer aux enfants du village tout comme Louise, mère désormais célibataire, est regardée de travers par ses nouveaux voisins. Lorsque le cirque de Brancalou (Patrick Timsit) s’installe à proximité, Cécile est fascinée par l’univers forain. Mais elle ne tarde pas à découvrir que Poly, le poney vedette de Brancalou, est traité cruellement. Cécile décide d’organiser l’évasion nocturne de l’animal. Ce faisant, elle est aperçue par Victor (François Cluzet), mystérieux propriétaire d’un château local à la réputation sulfureuse…
Après l'honorable Belle et Sébastien, le cinéaste Nicolas Vanier tente un nouveau casse familial avec l'adaptation d’un feuilleton signé Cécile Aubry, carton télé dans les années 60. Cette fois, le héros n'est plus un garçonnet mais une héroïne indépendante et végane (anachronisme ?) et le gros chien protecteur est devenu un joli poney. On pourrait souligner que la petite Élisa de Lambert (Cécile), pourtant sélectionnée au milieu de 2 800 apprenties actrices, manque parfois de naturel malgré sa bonne volonté. Ou encore que le « personnage » de Poly n’est pas aussi judicieusement construit que celui de Belle, donc singulièrement moins charismatique à l'écran.
Si Nicolas Vanier sait toujours aussi bien magnifier un décor naturel (ici les Cévennes) et filme comme personne le tandem enfant/animal, il semble avoir été bridé par une obsession de chaque instant. Celle de ravir les très jeunes enfants et de conforter des grands‑parents qui ont aimé Poly voilà six décennies avec une imagerie rêvée des années 60. Cette obsession de séduction, ce calibrage presque marketing du récit et des images, ronge et ébarbe toutes les menues aspérités qui auraient pu séduire et rallier un public plus mûr. On la retrouve à chaque instant : avec la mise en retrait de tous les personnages adultes transformés en vagues silhouettes, avec la mise trop en avant de protagonistes secondaires, particulièrement un duo de gendarmes demeurés semblant exfiltrés de la saga Le gendarme de Saint‑Tropez. Ou encore l’éviction au montage de toutes les tentatives de densifier les rôles secondaires cruciaux, particulièrement le méchant incarné par Patrick Timsit.
Des mises en retrait clairement explicitées dans les scènes coupées commentées en bonus, où Nicolas Vanier justifie ce biseautage avec deux préoccupations : le rythme et surtout l’obligation de ne pas dépasser 1h45, une durée paraît‑il fatidique pour préserver l'attention du jeune public. Parfois, ce travail d’élagage est fait avec brio : une séquence ravissante mais trop longue au cirque devient un cauchemar élégant de Cécile. Souvent, hélas, ces séquences éliminées manquent pour densifier la tendre relation entre Cécile et sa mère, pour éclairer le personnage dans le fond tragique de François Cluzet ou celui, beaucoup moins binaire qu’il n'y paraît, de Patrick Timsit. Leur absence pèse sur le plaisir à voir le film.
Qu’on ne s’y trompe pas : Poly est suffisamment bien ajusté pour ravir un jeune public malgré un démarrage un peu lent. Il n’en reste pas moins que Nicolas Vanier n’a pas su, cette fois, restituer un récit pleinement familial, contrairement à ce qu’il avait fait pour Belle et Sébastien.