Pirates
1986. Pirates de Roman Polanski : une production chaotique, un film monstre, bancal, et à l’arrivée, un échec public et peut-être l’un des revers critiques les plus cinglants essuyés par le réalisateur de Rosemary’s Baby.
Polanski est peut-être arrivé trop tôt, à une époque où le film de pirates n’avait pas encore connu son retour en grâce, où les galions, mêmes venus des Caraïbes, se fracassaient contre les falaises du box-office. Renny Harlin, avec L’île aux pirates réalisé quelques années plus tard, connaîtra d’ailleurs le même sort. Alors que reste-t-il aujourd’hui de ce film ?
Tout débute sur un radeau perdu en pleine mer : un couple au bord de l’étripage (le capitaine Red et son mousse Grenouille), un soleil écrasant et déjà le goût du huis clos, configuration fétiche du réalisateur du Couteau dans l’eau et du Locataire. Au loin, un superbe galion espagnol les recueille (le Neptune, la véritable star du film, 9 millions de dollars). Mais à son bord, un trône en or massif ne tarde pas à attiser le désir du capitaine Red, qui organise bientôt une mutinerie. Entre lui et le trésor, débute alors un interminable jeu du chat et de la souris.
Avec Pirates, Polanski s’attaque au film de genre, comme il l’avait déjà fait avec le film de vampires (Le bal des vampires) et le film noir (Chinatown). Pirates constitue d’abord un formidable chant d’amour aux films de pirates du cinéma hollywoodien classique, avec citations en rafale (des Contrebandiers de Moonfleet à L’île au trésor en passant par La flibustière des Antilles), reconstitution « bigger than life » (pas d’effets numériques à l’époque), et respect savoureux des codes que Polanski, avec son art du détail burlesque et inquiétant, sait parfois détourner.
Dans le rôle du roublard capitaine Red, Walter Matthau, qui remplaça Jack Nicholson un instant pressenti, tient le film à bout de bras et lui confère une énergie salutaire. Construit en deux parties inégales (dès que les pirates mettent le pied à terre, le film s’embourbe), Pirates résiste plutôt bien aux années et devrait convaincre les Polanskiens convaincus de la place de choix que ce film monstre mérite dans sa filmographie.