Pink Floyd - The Early Years : Reverber/ation 1971
Dans la longue carrière de Pink Floyd, 1971 a des allures d'année charnière. Les derniers instants d'une période incertaine mais ultra‑productive située au carrefour entre deux époques bien distinctes, depuis le psychédélisme des années Syd Barrett en pleine dissipation jusqu'à l'aboutissement de la vision de Waters et Gilmour en un Graal prog‑rock qui marquera le monde (The Dark Side of the Moon en 1973, évidemment). Frais de l'enregistrement de l'orchestral Atom Heart Mother en octobre 1970, le groupe anglais prend la route pour présenter ses nouvelles compositions épiques sur scène (parfois accompagné par des chœurs et orchestres) tout en débutant quelques‑uns des titres de son futur et emblématique sixième album, Meddle, qui sortira en octobre de cette même année.
Ce sont des témoignages et des fragments d'un groupe dans sa période la plus floue et dense que nous donne donc à voir et à entendre Reverber/ation 1971, un combo Blu‑Ray, DVD et CD originellement sorti au sein du coffret massif de 27 disques The Early Years 1965‑1972 en novembre 2016, avant d'être proposé à la vente de manière individuelle cette année. Si le disque audio se contente d'une version de travail du morceau Echoes et d'une session live à la BBC, les disques vidéo qui l'accompagnent réunissent eux un panel plus varié de captations filmées du groupe lors de ses tournées en Europe ainsi que des interviews. On y voit un quatuor en pleine expérimentation sur scène, cherchant encore un cap et allant explorer des univers variés (musique orchestrale, instrumentaux abstraits ou... gong martelé pendant cinq minutes par Roger Waters !) avec autant d'appétit que de tâtonnements. De ces archives réunies en vrac, présentées sans contexte ni liaisons, on retiendra ainsi deux titres filmés avec grâce dans l'abbaye d'Asnières‑sur Oise ou encore une belle version du morceau Atom Heart Mother au Japon. Des documents d'une belle qualité mais qui tiennent plus de la boîte à souvenirs pour fans qu'autre chose.
Reste le plaisir de redécouvrir Pink Floyd dans le contexte de son époque et de ses contemporains. Le premier document du disque, un reportage pour la télévision allemande, est à ce titre absolument saisissant par la dureté du regard que le journaliste lâche sur la musique du groupe : « L'espoir que la pop ait un effet sur la société n'est finalement qu'une illusion qui commence à s'effriter. Les artistes essaient de s'échapper avec un sentimentalisme idéaliste et vide. Les Pink Floyd sont devenus kitsch ». Un jugement sans appel, mais dont on ne saurait totalement réfuter le propos derrière l'insulte. En 1971, Pink Floyd devenait quelque chose d'autre, loin de la folie pop révolutionnaire de ses débuts. Une machine artistique implacable qui allait marquer l'histoire.