Pink Floyd : Pulse
C'est le paradoxe de la fin de carrière de Pink Floyd : des albums relativement médiocres suite au départ de Roger Waters, mais des tournées imposantes qui sont restées dans la mémoire collective. Et celle documentée dans Pulse est cruciale dans l'histoire du groupe : entamée en 1994 pendant plus de six mois, il s'agit de la dernière tournée des légendes du rock progressif avant leur mise en sommeil en 1995. Nous sommes alors juste après la sortie de ce qui sera leur ultime album studio, The Division Bell, et pour aller le défendre sur scène, Pink Floyd a vu grand.
Très grand
Une scène de 60 m de long, équipée d'une armée de lasers et de projecteurs, au‑dessus de laquelle s'élève une grande arche qui symbolise une porte immense censée amener le public dans une autre dimension. Flottant au‑dessus du groupe, un écran géant tout rond projette des films réalisés pour l'occasion par Storm Thorgerson, sur lesquels le groupe joue de manière synchronisée. Tout au long du concert, d'une durée de 2h30, les surprises s'enchaînent : cochons gonflables qui paradent au‑dessus de la foule, avion miniature qui s'enflamme, effets pyrotechniques, boule à facettes géante qui s'ouvre pour devenir une sorte de fleur de métal. Les Anglais ont mis les petits plats dans les grands et iront présenter ce spectacle massif à travers le monde lors de 112 concerts (dont 7 dates en France, du parc de Chantilly jusqu'à Bordeaux en passant par Strasbourg). C'est à la toute fin de cette tournée monumentale, alors que Pink Floyd est de retour en Angleterre pour une série de 14 concerts à guichets fermés au Earls Court, à Londres, que sera filmé le live Pulse, le 20 octobre 1994.
Une setlist paradisiaque
Sur scène, ils ne sont plus que trois membres originaux. Nick Mason, entouré de son luxueux kit de batterie. Richard Wright, toujours aussi discret et charmant avec ses petits claviers. Et puis le guitariste et chanteur David Gilmour, particulièrement mis en avant ici ‑c'est souvent sur lui que tous les projecteurs se posent‑. Mais ils ne sont pas seuls : entre un bassiste, un percussionniste, un saxophoniste ou encore trois choristes, le groupe est bien entouré.
Et toute cette équipe n'est pas de trop pour faire revivre sur scène le rock psychédélique et lunaire de Pink Floyd. D'autant que c'est une plongée assez complète dans leur discographie qui est ici proposée. Si le premier acte du concert se porte plutôt sur les albums récents du groupe (et majoritairement The Division Bell), le reste du show propose au public une version intégrale de l'album culte de 1973 The Dark Side of the Moon, ainsi que quelques‑uns de ses plus fameux titres : Wish You Were Here, Comfortably Numb, ou encore One of These Days.
Technique impeccable parfois statique et froid
Qu'on ne s'y trompe pas : c'est bien à un spectacle parfaitement millimétré que l'on assiste, qui ne laisse pas la place au hasard. Pourtant, les musiciens affichent leur plaisir, entre regards complices et sourires fréquents. Mais difficile de ne pas ressentir une certaine forme de froideur et de lourdeur, compréhensible pour un groupe qui dépassait alors le quart de siècle de carrière, mais dont le sérieux détonne un peu avec les envolées psychédéliques de titres comme The Great Gig in the Sky.
Car si la technique déploie de multiples effets visuels, le spectacle sur scène reste lui assez statique, très professionnel, à peine si David Gilmour lâche une mimique sur ses solos. Si on excepte les chorégraphies banales des trois choristes, il n'y a guère que le percussionniste qui remue un peu, malheureusement pour faire des choses complètement ringardes (faire tourner ses baguettes et sauter partout alors qu'il ne fait que taper sur un gros tambour).
La performance est impeccable, avec un son aussi limpide que de l'eau de roche, mais manque peut‑être un peu de piquant, rendant le visionnage du concert occasionnellement un peu longuet, particulièrement sur les titres de la première partie, plus récents et parfois franchement en dessous (dont l'horripilant Keep Talking où Gilmour se lance dans un solo de guitare transformé à la voix, technique que peu d'autres groupes ont reproduit, et ils ont eu raison).
Un beau chant du cygne
On prendra donc plus de plaisir sur la suite, quand Pink Floyd écume son répertoire des années 70, enchaînant des versions absolument définitives de titres comme Us And Them, qui réussissent à recréer avec une grande justesse les moments iconiques des enregistrements studios. Quant aux éléments visuels du show, si certains gardent pas mal de panache (la vidéo de Shine on you Crazy Diamond, les architectures lumineuses faites de laser sur certains titres), d'autres accusent un peu leur âge : animations 3D hideuses ou embarrassant montage d'images de politiciens (de Bill Clinton à Fidel Castro en passant par Margaret Thatcher, comme ça, on ne vexe personne) sur Brain Damage.
Mais malgré tout, Pulse reste un beau chant du cygne pour Pink Floyd, et un indispensable pour les fans du groupe. Pour les autres, on leur conseillera plutôt le Live at Pompeii de 1972 à la tracklist moins complète mais à l'audace bien plus ébouriffante.