Pieces of a Woman
Martha Weiss (Vanessa Kirby), cadre, et Sean Carson (Shia LaBeouf), ouvrier du bâtiment, sont sur le point d’accueillir leur premier enfant. Ils ont fait le choix d’un accouchement à domicile mais la sage‑femme qui doit les accompagner, Barbara, est retenue et leur envoie Eva (Molly Parker), une consœur expérimentée. Alors que Martha est en plein travail, Eva se rend compte que le cœur du bébé bat trop faiblement. Les urgentistes arriveront hélas trop tard pour sauver la petite d’un arrêt cardiaque. Dans les mois qui suivent, les médecins ne parviennent pas à préciser ce qui s’est mal déroulé. Martha tente de se reconstruire petit à petit tandis que Sean, ancien drogué et alcoolique, retombe trop vite dans ses vieux démons. Alors que le couple bat de l’aile, la mère de Martha (Ellen Burstyn) se démène pour prouver en justice que la sage‑femme a commis une grave faute professionnelle.
Filmé par le cinéaste hongrois Kornél Mundruczó (White God, Jupiter’s Moon) et scénarisé par Kata Wéber, la compagne de Mundruczó qui a vécu avec lui un drame identique, Pieces of a Woman propose une très puissante expérience émotionnelle. La quasi première demi‑heure du film, un long plan‑séquence où l’on suit Martha et Sean avant puis pendant cet accouchement tragique, peut ressembler une coquetterie arty inutile. Mais le spectateur va au contraire découvrir que cette mise en place perturbante est indispensable pour sinon apprécier, au moins comprendre l'alpha et l'oméga des trajectoires différentes que vont emprunter Martha et Sean.
Martha, incarnée par une Vanessa Kirby impériale et récompensée à Venise (The Crown saisons 1 et 2, Mission impossible Fallout), entreprend un travail herculéen : naviguer entre les mines émotionnelles que ce deuil a semées dans sa vie, affronter les directives de sa mère, tenter de se reconstruire en tant que femme, jongler avec sa propre culpabilité et essayer de trouver un sens à cette mort cruelle. Plus fragile que sa compagne, Sean noie pour sa part son chagrin dans des pis‑aller plus simplistes : alcool, drogue et infidélité. Au lieu de traverser ensemble la douleur, Martha et Sean font face seuls, chacun de leur côté, et cela aura évidemment des conséquences.
La caméra de Kornél Mundruczó capte tous ces instants avec un curieux mélange de délicatesse impressionniste assaisonnée de sursymbolique (le pont que construit Sean, les pépins de pomme que Martha tente de faire germer). Mais ces métaphores faussement laborieuses, telles des pièces de puzzle, vont peu à peu trouver place et sens au gré de passages bien dialogués, toujours portés par un casting au top, particulièrement le trio Kirby/LaBeouf/Burstyn.
Pieces of a Woman, qui s’achève sur une scène éthérée ‑rêve ou postface enfin solaire ?‑ s’avère au final une subtile et marquante réflexion sur les cassures et le relèvement.