Pièce montée
Tous deux issus d'une famille aisée, jeunes avocats aux dents longues, Vincent et Bérangère décident de se marier à l’Église pour respecter les traditions. Madeleine, la grand‑mère de Bérangère, a insisté pour que la cérémonie se déroule dans une petite paroisse campagnarde. Là, ce qui devait être une journée pleine de joie deviendra l’occasion pour certains de régler leurs comptes, pour d’autres de prendre des décisions cruciales, pour d’autres encore de trouver ou retrouver l’amour… Vincent et Bérangère en sortiront‑ils indemnes ?
Difficile d’évoluer en terrain plus connu : une comédie démontant les rouages du comportement bourgeois à l’occasion d’un mariage qui exacerbera les sensibilités de chacun. Une situation déjà vue ailleurs mais qui, malgré son manque d’originalité, réussit à toucher et à amuser grâce à la vision acérée de Denys Granier‑Deferre. Là où beaucoup de cinéastes auraient décidé de charger la mule dans la satire, quitte à verser dans le burlesque ou à rendre leurs personnages détestables (voir Mariages ! de Valérie Guignabodet), le metteur en scène équilibre parfaitement son discours entre observation clinique d’un microcosme engoncé dans ses valeurs rigoristes et portraits émouvants de personnages perdus, que ce soit dans leurs convictions religieuses, leurs choix de vie, leurs interrogations sur le futur, ou tout simplement l’amour…
Cet équilibre quasi miraculeux, Granier‑Deferre le maintient grâce à trois éléments cruciaux. Le premier, le plus important : le scénario, qui évite l’accumulation de saynètes et sait rendre organique l’évolution de tous les protagonistes. Puis viennent les acteurs, tous excellents. En la matière, difficile de faire mieux : Jérémie Renier et Clémence Poésy sont parfaits en jeunes mariés qui réalisent que le plus important n’est pas de construire leur carrière, mais leur amour. Danielle Darrieux et Jean‑Pierre Marielle sont particulièrement touchants, anciens amants séparés par la vie qui se retrouvent pour rouvrir un chapitre inachevé de leur vie, ne serait‑ce que pour une nuit. Puis viennent les autres, les frères, les sœurs, les parents, tous incarnés par des comédiens truculents et solides (Léa Drucker, Julie Depardieu, Christophe Alévêque, Dominique Lavanant, Louise Monot…). Enfin, contrairement à beaucoup de réalisateurs hexagonaux, Denys Granier‑Deferre n’oublie pas qu’il réalise un film de cinéma et soigne sa mise en scène et ses mouvements de caméra, pour un résultat non pas ostentatoire, mais toujours censé, précis et agréable.
Bien sûr, un tel récit n’évite pas quelques clichés dont on se serait bien passé, mais reconnaissons qu’avec tant de personnages, il est parfois compliqué d’en brosser certains en peu de temps sans recourir à un ou deux raccourcis. Un défaut mineur pour un film attachant qui, malgré son aspect corrosif, n’oublie pas d’avoir du cœur.