Persepolis
Téhéran, 1978 : Marjane, petite fille de 8 ans, se rêve prophète sauvant le monde. Choyée par des parents modernes, elle vit avec exaltation la chute du régime du Chah.
L’enfance de l’art
En adaptant en 2007 avec Vincent Paronnaud ses propres bandes dessinées éponymes, Persepolis, Marjane Satrapi racontait plus que sa propre histoire. Elle parlait de celle de son pays, l’Iran, vu au niveau du regard de l’enfant qu’elle était au moment de la révolution. À la fois drôle, instructif, poétique et saisissant, le film n’est cependant pas que le simple décalque des quatre tomes dessinés, mais un nouveau regard sur son histoire, édulcorant au passage de sa violence (comme la scène de torture du tome 1, ou les dégâts de la bombe du tome 2) et certaines réflexions sur la société iranienne. Marjane Satrapi en profite pour rajouter par touches de la couleur et sans doute un peu d’espoir dans une autofiction qui traite avant tout de l’exil.
Le trait de Persepolis version film est semblable à celui des albums, austère, mais dynamisé par l’animation, et beaucoup plus contrasté. Les aplats noir et blanc font place à un jeu sur les tonalités de gris et les dégradés. Le résultat donne un film animé à la fois unique et magnifique. Une épure stylistique au service de la narration. L’image va à l’essentiel et n’empiète surtout pas sur le travail formidable du son, qu’il faut souligner. Car Persepolis est un film qui peut quasiment s’écouter seul : bercé par les voix de Chiara Mastroianni, Catherine Deneuve et de Danielle Darrieux.
Les effets sonores et la musique d’Olivier Bernet nous plongent complétement dans une ambiance à la fois réaliste et onirique. On pourrait reprocher que ce parti pris stylisant n’éloigne trop le film de son sujet, le rendant en quelque sorte abstrait. Il n’en est rien, au contraire, Persepolis est à la fois universel et intemporel, et malheureusement très actuel.
Drôle de drame
Jamais dans le pathos, Persepolis est aussi une comédie noire, certes, mais drôle et terriblement attachante. Raconter un tel drame à hauteur d’enfant permet d’avoir le recul nécéssaire et un regard naïf sur des événements terribles pour mieux désamorcer l’horreur de ce qui est raconté, sans voile (façon de parler).
Malgré des personnages attachants et de géniales péripéties, le film manque sans doute d’un peu profondeur, préférant la caricature et l’ironie. On reste certainement un peu trop dans l’anecdote.
Au final, la partie iranienne de Persepolis est plus réussie que la partie européenne, mais qu’importe, le film reste un très beau témoignage autant sur l’Iran que sur le passage à l’âge adulte d'une jeunne femme d'aujourd'hui dans un monde d'hier. À la fois enlevé et bouleversant, un film entre rires et larmes d’une beauté esthétique folle. Une réussite.